20 Avril 2020
Leïb Rochman
Dans ce livre,
pas un mot,
pas une phrase,
pas une page,
à supprimer,
à oublier.
Des phrases, des pages, des mots,
remplis de morts,
de vivants,
d’âmes qui ont quitté les corps brûlés,
de laissés pour morts,
mais vivants - presque …
après avoir pu s’extraire d’en dessous des centaines de cadavres
dans une fosse des plaines de la mort,
le vieux suppliant te regarde
quand il part traverser les plaines des ténèbres,
qui l’ont saisi, emporté dans un obscur trépas.*
Un poème en mots,
dont l’âme est la prosodie ;
dont la mort
- celle des vivants et celle de ceux qui ne le sont plus -
est le rythme ;
un monument à la mémoire
de ce qui aurait pu être une humanité…
perdue
dans les chambres à gaz,
et aussi,
sous les lames des bulldozers qui enfouissaient,
et,
derrière le crucifié des assassins
de l’indifférence,
ou de Kielce*.
Ces pages, il faudrait les apprendre, les réciter, les dire ici et partout...
Je ne connais pas le Yiddish, je ne peux rien dire de la traduction,
mais le texte français que j’ai lu, de Madame Rachel Ertel, m’a ébloui par sa beauté, bouleversé par sa densité.
A pas aveugles de par le monde Leïb Rochman, Denoël
* ces vers appartiennent à Georges Séféris (La Grive III) et à Sophocle qui en fait des mots d’Antigone (Œdipe à Colone, vers 1679-1682)
*Kielce (Pologne) dans cette ville le 4 Juillet 1946, 42 juifs furent assassinés au cours d’un pogrom.
© Mermed