Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Effleurements livresques, épanchements maltés

J'ai écrit et j'écris les textes de ce blog; beaucoup sont régulièrement publiés en revues; j'essaie de citer mes sources, quand je le peux; ce sont des poèmes ou des textes autour des gens que j'aime, la Bible, Shakespeare, le rugby, les single malts, Eschyle ou Sophocle, la peinture, Charlie Parker ou Sibelius, la définition de l'infini de David Hilbert, les marches ici et ailleurs...Et toujours cette phrase de Halldor Laxness: 'leur injustice est terrible, leur justice, pire encore.' oliphernes@gmail.com

Mermed (8)

Mermed (8)

 

Le repas est terminé, chacun va reprendre le travail. La commissaire et Ichebac notent tous les points à éclaircir. Gomer arrive.

- On a retrouvé tout le monde, visiteurs de prison, livreurs, tous, personne ne manque.

La commissaire en était certaine. C’est le corps de quelqu’un qui n’a apparemment aucun lien avec la prison, alors comment se fait il que ce corps ait été introduit dans la prison? Pourquoi une ou plusieurs personnes ont-elles pris un tel risque? Etpourquoi un plan aussi complexe?

En attendant de trouver les réponses, il faut continuer la routine, elle va rejoindre Blanc qui visionne les cassettes.

- Où en êtes vous?

- J’ai tout visionné en accéléré, je viens de terminer, la seule chose à signaler c’est qu’aucune caméra ne couvre l’endroit où le feu a pris.

- Oui, ils nous l’ont dit, et en plus c’est le seul endroit où il n’y a pas de détecteur de fumée. On ne voit rien sur quelle distance?

- Dix mètres maximum, on voit très bien les deux côtés de ce préau.

- Blanc, demandez au directeur si l’on peut garder les cassettes et ensuite allez donner un coup de main à Ichebac.

Elle retourne vers l’incendie où elle a demandé à Rolles de chercher encore si, par hasard, quelque chose avait échappé au ratissage du labo. Elle croise Gomer à qui elle parle de cette absence de caméra à cet endroit.

- Oui, on doit faire des travaux ici et puis il ne passe que des véhicules et des gardiens, les caméras les perdent uniquement pendant quelques mètres.

- Ceux qui ont amené le corps doivent connaître la prison.

- C’est vraisemblable, mais ils n’ont pas nécessairement été détenus.

- Il va quand même falloir nous donner le fichier de tous ceux qui ont été enfermés ici.

Des hurlements s’élèvent du bâtiment central, il y a tellement de cris en même temps, elle ne saisit pas un mot, elle n’a pas fait attention,

- Qu’est ce qui se passe?

- Ecoutez, vous allez comprendre.

Elle tend l’oreille,

- On va te crever ordure de pointu.

- Pointu, c’est le nom des délinquants sexuels?

- Oui, incestes, viols d’enfants, les autres détenus les détestent, ils sont isolés et ne sortent que lorsque tous les autres sont en cellules. Là ils sont en promenade, les autres sont enfermés.

- Ce serait vraiment dangereux de les laisser ensemble?

- Oui, très.

- Ça doit être dur pour eux, se promener avec ces injures, de sentir toute cette haine, mais je ne suis pas sûre de pouvoir les plaindre. Dites-moi, Monsieur Gomer, Rolles a fait le tour des cours et des bâtiments annexes, serait-il possible que je fasse le tour du bâtiment principal?

- Je vais vous accompagner, mais je fais d’abord rentrer tout le monde.

- Il y en a qui sont dehors, à part les pointus?

- J’ai laissé travailler les gamelleurs.

- Les gamelleurs?

- Ceux qui apportent les repas. Leur porte reste ouverte toute la journée.

Madame Babel va rechercher Ichebac qui est avec le directeur pour qu’il l’accompagne dans son tour de la prison.

- ça semble compliqué de s’évader?

- Oui, mais ça reste toujours possible, la dernière évasion réussie a eu lieu il y a six ans.

- C’est donc aussi difficile de rentrer?

- Oui…on est quand même un peu moins vigilant à l’entrée, qui aurait envie de rentrer ici?

- Surtout mort. Enfin, je pense que c’est un cadavre qui a été amené dans la prison. Comment est ce que ça se passe pour entrer ou sortir?

- A la grille extérieure il y a un gardien qui vérifie l’identité de toutes les personnes qui viennent travailler et qui laissent leur voiture sur le parking extérieur.

- Celui où nous sommes?

- Oui, ensuite on passe le sas, nouveau contrôle et même chose pour sortir.

- Et les camions sont les seuls véhicules à pénétrer plus loin?

- Non, il y a aussi les ambulances. La procédure est la même. Quand les camions sont dans le sas, on vérifie la cargaison, qu’elle soit conforme aux listes. Pour tous les véhicules on regarde dessous avec un miroir.

- A t’on déjà prévu que quelqu’un pouvait vouloir entrer ici?

- Je ne crois pas. C’est tellement bizarre cette histoire, pourquoi venir mourir ici ou pourquoi y déposer un cadavre?

- On trouvera comment le corps est entré, s’il est entré mort ou vivant, comment le feu a pris, tout cela nous allons le savoir grâce au labo, mais le reste…

- Je crois que vous venez de prendre votre poste ici?

- Oui, il y deux semaines.

- Vous êtes servie comme cadeau de bienvenue!

Ils poursuivent la visite du bâtiment, rien n’échappe aux caméras, pas un mètre carré. Sur les cassettes il n’y a rien, ce qui tendrait à prouver qu’aucun détenu n’a rien à voir dans cette affaire. Mais pourquoi ce corps est-il ici?

- Messieurs, il est déjà tard, nous allons rentrer. Vous allez nous appliquer la procédure normale de sortie, afin que nous nous rendions bien compte.

 

Mermed était parti en permission et quelle permission, celle de retrouver Béa. En conduisant, il pensait au hasard qui l’avait fait naître dans une maison où il avait toutes les chances de ne jamais faire toutes les bêtises que son père et sa mère ne comprenaient pas. Son père les condamnait et le rejetait. Il en rendait sa mère responsable. Elle était partie l’emmenant avec elle dans une autre ville dans un grand appartement. Elle essayait, aidée par des psychologues, de le calmer. Elle avait tout essayé. Rien n’y faisait. Elle en arrivait à se reprocher le comportement de son fils. Petit à petit, il se rendait compte que son père lui avait apporté seulement le mauvais côté de l’autorité, l’autoritarisme, qui devait permettre de montrer le fils bien dressé selon les principes centenaires du code de bonne conduite. Il ne lui avait jamais appris, que même dans le cadre familial, il devait lui-même se faire sa discipline et Mermed à dix huit ans commençait à en ressentir le besoin, c’est pourquoi il avait décidé d’essayer de s’engager dans la légion étrangère. Il avait réussi les trois séries de tests de sélection et le régiment avait été ce cadre de discipline qu’il recherchait. Ses supérieurs, surtout les officiers, avaient bien senti qu’il était de leur monde, il était vite monté en grade, il devait entrer à l’école des sous officiers au mois de juin. Il maîtrisait son destin de soldat, depuis Béa il maîtrisait, peut être, son destin d’homme.

Pendant ces années de légion, il avait connu beaucoup de filles, il les avait voulues, il croyait qu’il en avait aimé quelques-uns unes, mais, il le pressentait depuis un mois et le savait depuis deux jours, l’amour c’était encore autre chose, tellement mieux et en même temps tellement inquiétant, comment allait-il la retrouver? Et son mari?

Elle lui avait ouvert la porte, et sa tendresse, ses gestes, ses mots étaient ceux qu’il attendait, ils s’étaient relevés vers une heure.

- Tu as faim?

- Oui, je crois.

- Je vais nous préparer quelque chose.

- Béa, on part toujours ?

- Bien sûr, si nous partons tout à l’heure, nous serons en Espagne ce soir, à Cadaquès, tu connais ?

- Non,

- C’est très beau et puis j’ai rendez-vous avec des clients dans trois jours la bas…

- Où est ce?

- A une heure de la frontière, un très joli port, à cette époque ce sera tranquille.

Ils étaient partis. Ils avaient parlé pendant tout le voyage. Il avait parlé de sa famille de l’armée, de Gregor, elle avait parlé de Marie et puis elle lui avait parlé de la vie et de la mort, elle avait été frappée par ce que Mermed avait dit sur les morts qu’il avait vus. Ils étaient arrivés à Cadaquès. La nuit tombait, du col il s voyaient les lumières du port s’allumer et se refléter dans l’eau. Ils avaient trouvé une chambre dans un hôtel au bout du port, et les plus beaux jours de sa vie avait commencé. Ils avaient laissé la voiture tout le temps, sauf le jour de son rendez-vous avec ses clients, il l’avait emmenée et attendue. Ils mangeaient dans les bistrots du village, ils étaient allés pécher avec Miguel le frère de l’hôtelier, ils se promenaient, et puis il y avait les nuits, les nuits pendant lesquelles elle lui apprenait la tendresse, la complicité, le bonheur, elle lui avait appris ce qu’était l’heure bleue le matin où elle lui avait dit qu’elle l’aimait, c’était la première fois qu’elle le disait.

Et puis un soir, ça avait été la veille du départ, ils étaient allés boire l’anisette chez Miguel avant d’aller dîner tous les deux.

- On va toujours se revoir, Béa?

- Bien sûr.

- Et ton mari?

Ce n’était pas la première fois qu’il en parlait. Elle ne voulait jamais en parler.

- Je n’en peux plus, je t’aime, mais tout n’est pas facile.

Elle lui avait dit qu’elle n’avait pas connu beaucoup d’hommes dans sa vie.

Et l’un de ces quelques hommes était son mari et il tenait énormément à elle, ce serait difficile

- Tu pars trois semaines en Guyane, lundi?

- Oui.

- Je vais réfléchir, nous trouverons, mais je ne veux faire de mal à personne. Tu m’appelleras tous les jours, Mermed?

Bien sûr, et cette nuit là elle lui avait donné comme jamais avant sa douceur, sa tendresse, sa beauté et son amour.

Le lendemain, ils étaient rentrés à Toulouse. Il lui avait dit qu’il n’avait jamais aimé une femme avant elle, elle s’était contentée de lui serrer la main très fort.

Il était reparti, c’était toujours aussi dur de la quitter, il savait qu’elle l’attendrait trois semaines plus tard.

 à suivre

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article