J'ai écrit et j'écris les textes de ce blog; beaucoup sont régulièrement publiés en revues; j'essaie de citer mes sources, quand je le peux; ce sont des poèmes ou des textes autour des gens que j'aime, la Bible, Shakespeare, le rugby, les single malts, Eschyle ou Sophocle, la peinture, Charlie Parker ou Sibelius, la définition de l'infini de David Hilbert, les marches ici et ailleurs...Et toujours cette phrase de Halldor Laxness: 'leur injustice est terrible, leur justice, pire encore.' oliphernes@gmail.com
31 Janvier 2020
le monastère de Voronet en Roumanie fut construit en 1488; il est l'un des merveilleux monastères de Bucovine.
7 David Hilbert
Il n'est ni un écrivain, ni un musicien, ni un peintre, c’est un mathématicien que j’aime parce qu’il m’ a aidé à matérialiser l’impossible concept de l’infini; avec son hôtel.
Cet hôtel dont il est le réceptionniste comprend un nombre infini de chambres ; un soir arrive un client, alors que l’hôtel est complet; problème de surbooking dirons nous, mais nous n’avons jamais rencontré LE mathématicien du vingtième siècle à la réception…pour David la réponse est simple, il demande à tous les clients de se déplacer dans la chambre voisine de la leur (en ordre de numéro croissant) et ainsi la chambre 1 se libère et le client s’ installe - ce qui démontre que l’infini est égal à l’infini plus un….
Le lendemain, nouveau problème: un car et ses cinquante voyageurs…que faire?
C’est simple, chaque occupant d’une chambre ira dans la chambre qui porte le numéro double de celui qui est attribué à la chambre qu’il occupe, libérant ainsi un nombre infini de chambres…ce qui est à l’évidence la preuve que la moitié et le double de l’infini sont l’infini.
Si cette démonstration grippe un peu les rouages de notre compréhension, je ne vois d’autre solution qu’une cure intensive de punch au chaud soleil d’une île - pour être certain que l’effet se démultiplie …à l’infini avec Eric Clapton dont Cocaïne berce nos songeries mathématiques.
8 Partir
Je suis tous les blues
je suis toutes les nostalgies
je suis toutes les mélancolies
des heures de mots, des heures de tellement d’amour.
des heures de densité, comment résister à tant d’attente ?
Je n’aurai jamais su que faire attendre, pourquoi m’attends tu ?
Je suis celui qui part, le non-juif errant.
Au bout de la douane de mer à attendre ce bateau qui me déposera
dans le petit port qui escalade la colline en deux colonnes de
maisons blanches dominées par l’église catholique et l’église
orthodoxe, puis
partir dans un autre port et dans une vallée sans fonds, et marcher
et toujours ces visages muets, blancs comme des âmes qui sont sur
le même pont du même rafiot déglingué qui nous emmène vers
d’autres ports, tranquilles escales avant de continuer. Là c’est
beau, ailleurs, c’est…
Et toujours cette seule haine qui est en nous, la haine de l’ennui.
Des heures à regarder le pélican du port, des heures à regarder les
chats sur les barques qui attendent que les poissons privés
d’oxygène par la chaleur de l’été, sautent de l’eau pour les attraper
d’un seul coup de patte.
Et toujours le flac flac des poulpes que l’on vide de leur encre contre
les quais du port.
Et toujours ce Christ qui marche sur les eaux du port de Sivota.
Retrouver l’ivresse du mirage.
Cette après-midi je suis…je suis…mais qui peut on être l’après midi ?
Je suis les pèlerins d’Emmaüs qui ne voient pas celui qu’ils
n’entendent pas et qui leur parle
Tous égaux, tous les damnés qui ne veulent qu’ordre, calme et
volupté et parce qu’ils sont trop humains ne trouvent que la bêtise,
la haine et la barbarie de la banalité.
1
Qu’a t’il donc notre ennui
à voyager avec nous,
les mêmes compagnons,
les mêmes certitudes,
la monotonie accompagne nos jours
dans les mêmes chambres
des endroits où aller l’été et l’hiver
notre ennuyeuse gaieté partagée avec tous
mais toutes les lassitudes
pour nos moments de solitude.
2
Qu’a t’il donc notre ennui
à nous empêcher
de retrouver la vallée abandonnée.
Personne ne nous rejoindra.
sous la treille
de l’arche de Noé
nous emplirons nos âmes
d’une vallée qui se cache
dans les premières brumes du soir
à l’heure où le vin nous installe
dans un rêve de Wang Wei.
3
Qu’a t’il donc notre ennui
à nous imposer les fatigues de voyages
qui nous empêchent de partir ailleurs.
Où est-il le petit port ignoré?
aucun bateau ne reviendra
avant beaucoup de jours
une taverne, boire le café
en regardant le temps filer
sous les doigts des vieux
et puis, marcher,
écouter les paroles du vent,
aimer encore.
4
Partir avec Beethoven à Vienne
écouter le septième trio avec piano.
prévoir une étape dans la ville à laquelle
Astor Piazzolla a donné
des bons airs et des tangos de liberté.
continuer son voyage
avec le saxophone de Coleman Hawkins
à cloche pied du corps d’une femme
à l’âme de la musique.
Aller ensuite dans la forêt
écouter la Finlande de Sibelius,
garder le dernier jour pour Varsovie
et survivre grâce à Arnold Schönberg.
6
Ainsi qu’aux savanes
du pays des origines
son refuge est provisoire
pour éviter les tempêtes
des jours de mélancolie, de tous les jours
derrière le bâti
à l’abri d’un ouragan de solitudes
il est prêt pour le départ
dans la fumée
sa femme et son enfant le rejoignent
ils libèrent
le verbe du sein de la mère.
7
Des jours et des jours
avant de partir
quelques marches, une porte
et il sera ailleurs.
Y a t’il encore un ailleurs
autre que celui où ils sont,
qui est son pays
d’où il ne peut plus revenir.
8
Soixante sept
sur une barque délabrée
ils flottent vers autre part
n’importe quel autre port
froid et pauvre
moins pauvre, pensent-ils.
Un mauvais coup de vent
ils ne seront pas nombreux
ceux qui auront la chance
d’être ramenés chez eux.
9 Bucovine
Devant le monastère en Bucovine
la fidèle femme du pope, Line,
toute vêtue de noire popeline
- sur le moment cela me fit rire
tel un lao Tseu sur le point d’écrire
comment peuples et petits poissons frire -
mais trêve de digression,
reprenons, nous disions,
la fidèle femme du pope, Line,
devenue Phoebe, stripteaseuse Argentine,
toute dévêtue de blond platine,
jadis, pour moi seul, amoureusement,
patinait la nuit merveilleusement
éclairée par le dernier phare
sur la place de la gare
dévastée de Harar
où je mâchais paresseusement du qat
que m’avait donné la sombre Hécate
dont les féroces chiens
poursuivaient l’albinos Abyssin;
lui, pendant ces événements, accédait à la Nova Vita
en gravissant l’escalier des vertus à Sucevita.
à suivre