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Effleurements livresques, épanchements maltés

J'ai écrit et j'écris les textes de ce blog; beaucoup sont régulièrement publiés en revues; j'essaie de citer mes sources, quand je le peux; ce sont des poèmes ou des textes autour des gens que j'aime, la Bible, Shakespeare, le rugby, les single malts, Eschyle ou Sophocle, la peinture, Charlie Parker ou Sibelius, la définition de l'infini de David Hilbert, les marches ici et ailleurs...Et toujours cette phrase de Halldor Laxness: 'leur injustice est terrible, leur justice, pire encore.' oliphernes@gmail.com

Job

Je n'aime pas ce type, mais j'ai une goût immodéré, constant pour le livre de Job.

Je n'aime pas ce type, mais j'ai une goût immodéré, constant pour le livre de Job.

Un homme voulait être entendu,
un scribe, deux, d’autres encore ont écrit
ces pages qui depuis des siècles sont lues;
chacun a rédigé une partie,
disant les heurs et malheurs de sa vie.
Ils étaient des poètes sans limites
et des moralisateurs qui imitent.
 
Cet homme ne comprend pas son destin:
lui, qui se tenait pour si généreux,
moqué par ces enfants, fils de rien,
de pères qu’il ne voulait pas au milieu
des chiens gardiens de ses troupeaux de bœufs !
‘tant de malheurs, et aussi ces risées,
mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?’
 
Il pleure jour après jour sa déchéance
lui qui était le plus considérable
de tous les hommes de l’orient immense,
lui que tous estimaient honorable;
la perte de ses biens n’est pas supportable:
plus de serviteurs et plus de brebis,
ni d’enfants, morts dans le vent de l‘oubli.
 
Avant le temps des imitations
de Thomas a Kempis ou Lamennais,
de punition en rétribution,
ce malheureux voulait n’être né jamais,
et malheureusement il naquit, si niais
qu’il osa - oh pauvre innocent ! - convoquer
Dieu à la barre pour s’expliquer.
 
Le premier il va perdre son procès,
premier d’un long cortège de k,
à ce jour le seul jamais gratifié,
et pourtant il l’a aggravé son cas
avec tant de tracas et de fracas,
que ses amis Tsophar de Naama,
Eliphaz, Bildad ont mis le holà.
 
Élihou, le plus jeune de la chronique,
qui a laissé parler les plus âgés,
intervient et développe une logique
de problèmes en énigmes pour poser
la question, celle de toute l’éternité:
Dieu, qui lui a donc confié l’univers,
qui l’a chargé de gouverner la terre ?
 
Et voilà qu’après ces tristes sentencieux
vont apparaître des mots et des vers
qui feront de nous tous des envieux,
de ces lignes qui séduisent l’univers,
des cieux jusqu’aux plus lointains enfers;
des vers qui ont éloigné les ténèbres
en explorant les ombres funèbres.
 
Les ombres, il ne les connait jamais,
pour ne pas céder aux peccamineux,
ni aux vierges et à tous leurs attraits;
pour ne pas succomber, rester ennuyeux…
il avait fait un pacte avec ses yeux,
un accord, une convention, un souvenir
autour desquels a brodé Shakespeare.
 
 
Sonnet 47 (William Shakespeare)
Betwixt mine eye and heart a league is took,
And each doth good turns now unto the other:
When that mine eye is famish'd for a look,
Or heart in love with sighs himself doth smother,
With my love's picture then my eye doth feast,
And to the painted banquet bids my heart;
Another time mine eye is my heart's guest,
And in his thoughts of love doth share a part:
So, either by thy picture or my love,
Thy self away, art present still with me;
For thou not farther than my thoughts canst move,
And I am still with them, and they with thee;
Or, if they sleep, thy picture in my sight
Awakes my heart, to heart's and eye's delight.
 
Mon œil et mon cœur ont une convention,
ils se rendent des services réciproques;
quand mes yeux sont avides de ta vision,
ou que dans les soupirs mon cœur suffoque.
Mon œil fête mon amour sur ce tableau,
à ce banquet peint mon cœur est convié;
mon œil est l’hôte de mon cœur à nouveau,
et prend part à ses rêves enamourés.
Soit dans mon amour ou par ton image,
même absent, tu es encore avec moi;
jamais loin de mes pensées qui voyagent,
toujours avec elles et elles avec toi.
Si elles dorment, ton portrait sous mes yeux
ranime mon cœur, spectacle délicieux.
 
 
 
Wislawa Szymborska a écrit Job;
 
Synopsis
Job, durement mis à l’épreuve dans sa chair et ses biens, maudit le destin de l’homme. C’est de la grande poésie. Ses amis arrivent, et, en déchirant leurs vêtements, ils dissèquent la culpabilité de Job envers le Seigneur. Job crie sa droiture de toujours. Job ne sait pas pourquoi le Seigneur le détruit. Job ne veut pas leur parler. Job veut parler au Seigneur. Dieu apparait dans un chariot de feu. Devant celui qui n’est plus que des os, Il célèbre le travail de Ses mains: les cieux, les mers, la terre et les animaux qui y sont. Surtout Béhémot et Léviathan, créatures dont la Divinité est - à juste titre - fière. C’est de la grande poésie. Job écoute: le Seigneur Dieu tourne autour du pot, car le Seigneur Dieu veut tourner autour du pot. Job se prosterne alors rapidement devant le Seigneur. Les événements se précipitent maintenant. Job récupère ses ânes et ses chameaux, ses bœufs et ses moutons, le tout en double. La peau repousse sur son squelette souriant. Et Job s’en accommode. Job est d’accord. Job ne veut pas détruire un chef d’œuvre.
 
(Le sonnet de Shakespeare et le texte de Szymborska, je les ai traduits)

 

Mermed 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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