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Effleurements livresques, épanchements maltés

J'ai écrit et j'écris les textes de ce blog; beaucoup sont régulièrement publiés en revues; j'essaie de citer mes sources, quand je le peux; ce sont des poèmes ou des textes autour des gens que j'aime, la Bible, Shakespeare, le rugby, les single malts, Eschyle ou Sophocle, la peinture, Charlie Parker ou Sibelius, la définition de l'infini de David Hilbert, les marches ici et ailleurs...Et toujours cette phrase de Halldor Laxness: 'leur injustice est terrible, leur justice, pire encore.' oliphernes@gmail.com

Le viol de Lucrèce strophes 250 - 259

Hubert Gerhard  (1540- vers 1621)

Hubert Gerhard (1540- vers 1621)

 

And bubbling from her breast, it doth divide
In two slow rivers, that the crimson blood
Circles her body in on every side,
Who, like a late-sack'd island, vastly stood
Bare and unpeopled, in this fearful flood.
Some of her blood still pure and red remain'd,
And some look'd black, and that false Tarquin stain'd.

 

About the mourning and congealed face
Of that black blood a watery rigol goes,
Which seems to weep upon the tainted place:
And ever since, as pitying Lucrece' woes,
Corrupted blood some watery token shows;
And blood untainted still doth red abide,
Blushing at that which is so putrified.

 

'Daughter, dear daughter,' old Lucretius cries,
'That life was mine which thou hast here depriv'd.
If in the child the father's image lies,
Where shall I live now Lucrece is unliv'd?
Thou wast not to this end from me deriv'd
If children pre-decease progenitors,           

We are their offspring, and they none of ours.

 

'Poor broken glass, I often did behold
In thy sweet semblance my old age new born;
But now that fair fresh mirror, dim and old,
Shows me a bare-bon'd death by time outworn;
O, from thy cheeks my image thou hast torn!
And shiver'd all the beauty of my glass,
That I no more can see what once I was!

 

'O time, cease thou thy course and last no longer,
If they surcease to be that should survive.
Shall rotten death make conquest of the stronger,
And leave the faltering feeble souls alive?
The old bees die, the young possess their hive:
Then live, sweet Lucrece, live again, and see
Thy father die, and not thy father thee!'

 

By this starts Collatine as from a dream,
And bids Lucretius give his sorrow place;
And then in key-cold Lucrece' bleeding stream
He falls, and bathes the pale fear in his face,
And counterfeits to die with her a space;
Till manly shame bids him possess his breath,
And live, to be revenged on her death.

 

The deep vexation of his inward soul 255
Hath serv'd a dumb arrest upon his tongue;
Who, mad that sorrow should his use control,
Or keep him from heart-easing words so long,
Begins to talk; but through his lips do throng
Weak words, so thick come in his poor heart's aid,
That no man could distinguish what he said.

 

Yet sometime 'Tarquin' was pronounced plain,
But through his teeth, as if the name he tore.
This windy tempest, till it blow up rain,
Held back his sorrow's tide, to make it more;
At last it rains, and busy winds give o'er:
Then son and father weep with equal strife,
Who should weep most, for daughter or for wife.

 

The one doth call her his, the other his,
Yet neither may possess the claim they lay,
The father says 'She's mine,' 'O, mine she is,'
Replies her husband: 'do not take away
My sorrow's interest; let no mourner say
He weeps for her, for she was only mine,
And only must be wail'd by Collatine.’

 

 

 

 

De sa poitrine, il se divise bouillonnant

en deux rivières lentes, encerclant d'une ligne violette

son corps, qui au milieu de ce flot effrayant,

est comme une île qui vient d’être ravagée, déserte

et dépeuplée. Une partie de ce sang reste

pure et rouge, et une autre se noircit à la fin,

c’était celle qu'avait souillé l’infâme Tarquin.

 

Sur le visage de deuil et de froidure 

du sang noir coule une rigole d’eau,

qui semble pleurer sur sa souillure:

depuis, du deuil de Lucrèce, étant l’écho

le sang impur se couvre d’eau en dépôt;

il reste rouge le sang immaculé,

comme honteux de celui qui est vicié.

 

‘Ma fille,’ s'écrie le vieux Lucrétius, ‘ O ma chère

fille, elle m'appartenait cette vie que tu détruis.

Si dans l'enfant l’on voit vivre l'image du père,

où vais-je vivre maintenant que Lucrèce est sans vie ?

Tu n‘étais pas née de moi pour cette fin ci:

si les enfants nous précèdent dans la sépulture,

les pères prennent leur place et sont la progéniture.

 

‘Dans ta douce ressemblance, pauvre miroir en morceaux

j'ai souvent contemplé mon vieil âge nouveau-né;

ce miroir sombre et vieux, jadis frais et beau,

reflète les os d’un mort que le temps a usé;

oh ! mon image sur tes joues tu l’as lacérée !

en fracassant toute la beauté de mon miroir,

comme j'étais jadis je ne peux plus me revoir !

 

‘O temps ! suspends ton vol, à ta durée met fin,

si ceux qui devraient survivre ont un sursis.

Va-t-elle prendre les plus forts, la mort, cette catin

pour laisser vivre les pauvres âmes affaiblies ?

l’essaim est aux jeunes lorsque les vieilles ont péri:

alors vis, ma douce Lucrèce, vis encore, et vois

ton père mourir, que lui ne te voie mourir, toi !’

 

Cependant Collatin s'éveille comme d'un rêve,

dit à Lucrétius de faire place à sa douleur;

il tombe dans le flot de sang glacé de Lucrèce,

il baigne dans son visage sa blafarde frayeur,

et semble mourir avec elle une minute, une heure;

jusqu'à ce qu'un souffle mâle lui rappelle son remords

et qu’il doit vivre pour être le vengeur de sa mort.

 

Son âme, proie du plus extrême abattement,

avait fait au flot de ses paroles un barrage;

furieux que retenant ses mots de soulagement,

le chagrin lui en contrôle également l’usage,

il parle enfin; ce qui afflue est un langage,

baume pour le cœur certes, mais mots si sourds, empâtés,

que nul ne saisit ce qu’il voulait exprimer.

 

Le nom ‘Tarquin’ était parfois clairement dit,

mais entre ses dents, comme pour le déchirer.

la tempête venteuse, jusqu’à ce qu’elle balaie la pluie,

retenait la vague de chagrin pour l‘augmenter;

il pleut à la fin, les vents violents vont tomber:

le fils et le père se disputent également,

à qui pleure le plus, qui une femme, qui son enfant.

 

L’un dit qu’elle est à lui, l’autre la dit sienne,

mais aucun ne peut plus la posséder,

le père dit: ‘elle est à moi,’ ‘elle est mienne‘,

répond l'époux: ‘ne venez arracher

mes droits de douleur: nul ne peut alléguer

qu’il la pleure, car elle était à moi, point;

elle ne doit être pleurée que par Collatin.

 

à suivre

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