J'ai écrit et j'écris les textes de ce blog; beaucoup sont régulièrement publiés en revues; j'essaie de citer mes sources, quand je le peux; ce sont des poèmes ou des textes autour des gens que j'aime, la Bible, Shakespeare, le rugby, les single malts, Eschyle ou Sophocle, la peinture, Charlie Parker ou Sibelius, la définition de l'infini de David Hilbert, les marches ici et ailleurs...Et toujours cette phrase de Halldor Laxness: 'leur injustice est terrible, leur justice, pire encore.' oliphernes@gmail.com
29 Mars 2022
II A game of Chess Une partie d’échecs
Le fauteuil où elle était assise, tel un trône étincelait,
Sur le marbre, où la glace
Dans un support forgé de vignes en fruits
D’où un cupidon doré surveillait
(Un autre cachait ses yeux derrière son aile)
Doublait les flammes d’un candélabre à sept branches
Réfléchissant la lumière sur la table alors que
L’éclat de ses bijoux s’élevait à sa rencontre,
Se déversant richement de coffrets en satin.
Dans des fioles en ivoire et des verres colorés
Débouchés, se terraient ses étranges parfums,
Crèmes, poudres, ou liquides – troublaient, enivraient
Envahissaient les sens d’odeurs; rehaussés par l’air
Qui de la fenêtre apportait de la fraîcheur, ils s’élevaient,
prolongeant la flamme des bougies,
Dont la fumée montait vers la laque,
Modifiant le dessin du plafond en caisson.
D’énormes épaves de bois et cuivre
Brûlaient en vert et orange, encadrées de pierres de couleur,
Où, dans une triste lumière, nageait un dauphin sculpté.
Au dessus du manteau antique, comme si une Fenêtre avait été ouverte sur un décor sylvestre
La mue de Philomèle, si brutalement violée par
Le roi barbare; pourtant là, le rossignol
Tereu
Remplissait le désert de sa voix inviolée
Et elle pleure encore, et la vie continue,
‘Jug, jug’ à des oreilles sales.
D’autres moments fanés d’histoire
Etaient racontés sur les murs, des formes curieuses
Se penchaient, apaisant la pièce refermée,
Des pieds traînaient sur les marches d’escalier.
Sous la cheminée, sous la brosse,
Eclatait en points rougeoyants
Rutilait en mots, puis connaissait un repos sauvage.
‘Mes nerfs, ce soir…oui, mes nerfs. Reste avec moi.
Parle moi. Pourquoi ne parles tu jamais ? Parle
A quoi penses tu ? Quelles pensées ? Quoi ?
Je ne sais jamais à quoi tu penses. Pense.‘
Je pense que nous sommes dans l’allée aux rats (1)
Où les morts perdent leurs os.
‘Quel est ce bruit ?’
Le vent sous la porte.
‘C’est quoi ce bruit ? Que fait le vent ?’
Rien, toujours rien.
Tu ne sais rien ? Tu ne vois rien ? Ne te
Souviens tu
De rien ?’
Je me souviens
Voici les perles, ses yeux.
‘Es tu vivant ou non ? Y a-t-il quelque chose dans ta tête ?’
O O O O cette farce Shakespearienne –
C’est si élégant
Si intelligent
‘Que vais-je faire maintenant ? Que vais-je faire ?
Je me précipiterai dehors comme je suis, et j’irai dans les rues
Les cheveux défaits, comme ça. Que ferons nous demain ?
Que ferons nous à jamais ?
L’eau chaude à dix heures.
Et s’il pleut, une voiture fermée à quatre heures.
Et nous ferons une partie d’échecs,
Fermant des yeux sans paupières et attendant un coup sur la porte.
Quand le mari de Lil fut démobilisé, je dis –
Je ne mâchai pas mes mots, je lui dis,
DEPECHONS S’IL VOUS PLAIT C’EST L HEURE
Albert est de retour, fais toi belle.
Il va vouloir savoir ce que tu as fait de cet argent qu’il t’a donné
Pour tes dents. C’est ce qu’il a dit, j’étais là.
Fais les arracher, Lil, et fais en faire de belles,
Dit il, je le jure, je ne supporte plus de te regarder.
Moi non plus, dis-je, et pense à ce pauvre Albert,
Il est dans l’armée depuis quatre ans, il veut passer un bon moment
Et si ce n’est pas avec toi, d’autres le lui donneront, ai-je dit.
Oh, vraiment, dit elle. Quelque chose comme ça, dis-je,
Alors je saurai à qui dire merci, dit-elle, en me regardant dans les yeux.
DEPECHONS S’IL VOUS PLAIT C’EST L HEURE
Si tu n’es pas contente, c’est la même chose, dis-je.
Les autres peuvent grappiller et choisir, si tu ne peux pas.
Tu devrais avoir honte, dis-je, on te donne cent ans.
(Et pourtant elle n’a que quarante ans)
je n’y peux rien, dit-elle, en faisant la tête.
(Elle en a déjà cinq, presque morte à la naissance du petit Georges)
Le pharmacien lui avait dit que tout irait bien, mais je n’ai jamais
été la même.
Tu es une vraie folle, lui dis-je.
Si Albert ne veut pas te laisser seule, c’est fait, dis-je,
Pourquoi se marier si on ne veut pas d’enfants ?
DEPECHONS S’IL VOUS PLAIT C’EST L HEURE
Ce dimanche là, Albert était à la maison, ils avaient mangé un jambon chaud
Et ils m’ont invité à manger avec eux, c’est tellement bon quand c’est chaud –
DEPECHONS S’IL VOUS PLAIT C’EST L HEURE
DEPECHONS S’IL VOUS PLAIT C’EST L HEURE
Bonsoir Bill. Bonsoir Lou. Bonsoir May. Bonsoir.
Ta,ta. Bonsoir. Bonsoir.
Bonsoir, Mesdames, bonsoir, douces dames, bonsoir, bonsoir.(2)
1 Ezechiel chapitre 37
2 Hamlet 4.5 (les derniers mots d'Ophelia) ' Good night, ladies. Good night, sweet ladies. Good night, good night.
à suivre...