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Effleurements livresques, épanchements maltés

J'ai écrit et j'écris les textes de ce blog; beaucoup sont régulièrement publiés en revues; j'essaie de citer mes sources, quand je le peux; ce sont des poèmes ou des textes autour des gens que j'aime, la Bible, Shakespeare, le rugby, les single malts, Eschyle ou Sophocle, la peinture, Charlie Parker ou Sibelius, la définition de l'infini de David Hilbert, les marches ici et ailleurs...Et toujours cette phrase de Halldor Laxness: 'leur injustice est terrible, leur justice, pire encore.' oliphernes@gmail.com

W.H. Auden Lettre à Lord Byron (suite)

Minos, juge aux Enfers. Gustave Doré pour la Divine Comédie de Dante.

Minos, juge aux Enfers. Gustave Doré pour la Divine Comédie de Dante.

 

 

Mais les artistes sont des êtres humains;

et pour un homme être servile n’a rien d’agréable ;

aussi tous feront du mieux qu’ils peuvent

pour avoir un bout de terrain dont ils diront

que c’est le leur. Peut importe sa taille,

tant qu’il y est le maître;

hélas pour l’art c’est un désastre.

 

Être un intellectuel est naturel:

avoir un intérêt à soi, pierres de jardins,

courges, pigeons, assiettes en vermeil,

collectionner les papillons ou des éclats de pierres;

puis avoir un cercle où l’on est connu

par des amateurs et des rivaux pour parler

en connaisseurs experts de ce qui nous plait.

 

Mais à l’artiste ceci est presque prohibé:

sur ce point il doit être différent de la foule,

et, comme un agent secret, il doit cacher

sa passion pour son truc. Aussi fier

- et à juste titre - soit-il de ce qu’il fait, il n’ a pas le droit

de graver sur son visage les tics de sa profession,

ou de mourir des maladies de ses occupations.

 

Jusqu’à ce que l’ industrie fasse sa révolution

l’artiste devait gagner son existence:

quelle que soit la haine qu’il avait pour l’intrusion

du goût des mécènes ou le goût volage des audiences,

il devait plaire ou continuer sans subsistance;

il devait garder sa technique pour lui, la garder

ou ne rien avoir sur les étagères du garde manger.

 

Mais Newcomen* et Watt* et Savoury*

et tous ces noms que l’on m’a fait apprendre

en cours d’histoire et que j’oublie,

de nouveaux artistes créateurs naquirent,

sur lesquels la demande se relâcha:

ils chantaient et peignaient attendant les profits

mais perdirent leurs responsabilités et leurs amis.

 

Les plus affectés étaient les meilleurs,

ceux qui avaient une originalité dans leur vision,

ceux dont la technique était supérieure,

sautaient dans le tourbillon de la sécurité d’une situation,

libérés de la vieille tradition de l‘écrivaillon,

libre d’être seuls juges de l’ivresse du génie,

être Shelley, ou Childe Harold ou le Dandy.

 

C’est ainsi que commença ce que j’appelle la soirée des poètes -

(la plupart des invités étaient peintres, peu importe) -

pendant les premières heures l’ambiance fut amicale

avec des feux d’artifice, de la joie, des jeux de toutes sortes;

tous étaient heureux, personne n’était aveugle;

les discours improvisés étaient brillants,

comme les danses et aussi les avancées techniques.

 

Comme c’était bien de regarder les passants

par la fenêtre du haut et dire

comme je suis heureux - bien que je doive mourir

comme tout ce bétail - de leur être supérieur !’

comme nous avons hurlé quand Baudelaire est devenu fou.

regarde ce cigare,’ dit-il ’c’est celui de Baudelaire.

qu’est-ce qui arrive à la perception , Ah qui s’en soucie ?’

 

Aujourd’hui, hélas, cette foule ravie

est très différente: beaucoup sont éplorés:

certains, en fermant la porte se sont retirés dans leurs lits;

certains swinguent follement sous les chandeliers;

certains sont passés complètement de l’autre côté;

d’autres sont malades dans les coins, quelques uns, tempérants

triment pour trouver quelque chose de différent.

 

Cela c’est à la folie de l’artiste que je l‘ai fait ressembler,

dans ce cas pourquoi ces sanglots sentimentaux ?

En fait, naturellement, le soupière était trop salée.

La soupe était pleine de petits morceaux de snobs.

La glaise commune et les habituels snobs

étaient beaucoup trop occupés à faire des tas ou avides

de voir des films, de la poésie ou de la sculpture.

 

J’ai simplifié les faits pour être emphatique,

en jouant les petits tours préférés de Macaulay*

en éclairant ce qui est contrasté et dramatique;

parce qu’il est vrai que l’art se sent un peu malade,

on ne doit pas penser que la vieille fille a perdu son temps.

Et ceux à côté, qui sentent plus comme l’ordure

appartiennent à la peinture, pas à la littérature.

 

Vous connaissez la terreur des poètes qui se cachent

derrière le bateau qui ramena Minos.

Les poètes doivent publier leurs œuvres complètes,

y compris celles de jeunesse. Aussi je pense que vous devriez

le prévenir. Oui, je pense que vous devriez.

Au cas où, quand ce sera mon tour, il crie ‘bons garçons,

partez avec vos sacs, il est aussi fou qu’un chapelier, garçons !’

 

L’horloge sonne et c’est l’heure du déjeuner;

nous partons à quatre heures. Le temps n’est pas trop clair.

Une partie du groupe semble peu enchantée.

Nous allons voyager, comme on dit, léger,

nous dormirons sous la tente ce soir.

Ce que Baden Powell nous a appris, vous en souvenez vous

ora pro nobis, s’il vous plait, ce soir voulez vous ?

 

 

* Thomas Savery 16501715 mécanicien anglais, inventeur de différents procédés industriels lors de la Révolution financière britannique, puis constructeur de machines à vapeur.

* Thomas Newcomen mécanicien anglais, associé de Savery 1663 - 1729

* James Watt 1736 - 1819 ingénieur écossais dont les améliorations sur la machine à vapeur furent une étape clé dans la révolution industrielle.

* Thomas Babington Macaulay 1800 – 1859 poète

 

à suivre

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