J'ai écrit et j'écris les textes de ce blog; beaucoup sont régulièrement publiés en revues; j'essaie de citer mes sources, quand je le peux; ce sont des poèmes ou des textes autour des gens que j'aime, la Bible, Shakespeare, le rugby, les single malts, Eschyle ou Sophocle, la peinture, Charlie Parker ou Sibelius, la définition de l'infini de David Hilbert, les marches ici et ailleurs...Et toujours cette phrase de Halldor Laxness: 'leur injustice est terrible, leur justice, pire encore.' oliphernes@gmail.com
10 Août 2022
Parable of the Hostages
The Greeks are sitting on the beach
wondering what to do when the war ends. No one
wants to go home, back
to that bony island; everyone wants a little more
of what there is in Troy,
more life on the edge, that sense of every day as being
packed with surprises. But how to explain this
to the ones at home to whom
fighting a war is a plausible excuse
for absence, whereas
exploring one's capacity for diversion
is not. Well, this can be faced
later; these
are men of action, ready to leave
insight to the women and children.
Thinking things over in the hot sun, pleased
by a new strength in their forearms, which seem
more golden than they did at home, some
begin to miss their families a little,
to miss their wives, to want to see
if the war has aged them. And a few grow
slightly uneasy: what if war
is just a male version of dressing up,
a game devised to avoid
profound spiritual questions? Ah,
but it wasn't only the war. The world had begun
calling them, an opera beginning with the war's
loud chords and ending with the floating aria of the sirens.
There on the beach, discussing the various
timetables for getting home, no one believed
it could take ten years to get back to Ithaca;
no one foresaw that decade of insoluble dilemmas—oh unanswerable
affliction of the human heart: how to divide
the world's beauty into acceptable
and unacceptable loves! On the shores of Troy
how could the Greeks know
they were hostages already: who once
delays the journey is
already enthralled; how could they know
that of their small number
some would be held forever by the dreams of pleasure,
some by sleep, some by music?
Les Grecs sont assis sur la plage
ils se demandent ce qu'ils font faire après la guerre. Personne
ne veut rentrer à la maison, retrouver
cette île deserte; ils veulent que Troie
leur en offre un peu plus,
c'est plus vivant, et puis cette impression que chaque jour il y a du neuf. Mais allez expliquer cela
à la maison - pour eux si l'on est absent pour faire la guerre c'est une bonne excuse,
alors que l'envie de prendre du bon temps, non .
Bon, ça, s'en occupera plus tard;
ce sont des hommes d'action,
prêts à laisser la sagesse aux femmes et aux enfants.
À réfléchir sous le soleil brûlant, heureux
de ce regain de forces dans les bras, qui semblent
plus bronzés qu'à la maison, quelques uns
commencent à languir leur famille – un peu,
à languir leur femme, à vouloir savoir
si la guerre les a vieillis. Certains se sentent
mal à l'aise: si la guerre
n'était que la version virile de choisir ses vêtements,
un jeu pour éviter
les profondes questions spirituelles? Ah
ce n'était pas que la guerre. Le monde avait
commencé à les appeler, un opéra qui débutait avec les choeurs
lourds de la guerre et se terminait avec l'aria flottant des sirènes.
Là, sur la plage, discutant les différents
horaires pour rentrer à la maison, pas un seul ne croyait
qu'il faudrait dix ans pour rentrer à Ithaque;
aucun ne pressentait cette décade de dilemmes insolubles - d'affliction
sans remède du cœur humain: comment diviser
la beauté du monde entre des amours
acceptables et inacceptables ! Sur les rives de Troie
comment les Grecs pouvaient-ils savoir
qu'ils étaient déjà des otages: quiconque
retarde le voyage est
déjà prisonnier; pouvaient-ils savoir
que, sur le petit nombre qu'ils étaient,
certains seraient retenus pour toujours dans des rêves de plaisir,
ou par le sommeil, voire par la musique.
Je vous propose une traduction qui s'est plus attachée à l'esprit qu'à la lettre Mermed le 21 Novembre 2020