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Effleurements livresques, épanchements maltés

J'ai écrit et j'écris les textes de ce blog; beaucoup sont régulièrement publiés en revues; j'essaie de citer mes sources, quand je le peux; ce sont des poèmes ou des textes autour des gens que j'aime, la Bible, Shakespeare, le rugby, les single malts, Eschyle ou Sophocle, la peinture, Charlie Parker ou Sibelius, la définition de l'infini de David Hilbert, les marches ici et ailleurs...Et toujours cette phrase de Halldor Laxness: 'leur injustice est terrible, leur justice, pire encore.' oliphernes@gmail.com

La cité du néant

 

Précédé d‘un silence assourdissant,

entièrement vêtu d’obscurité,

il arrive de l’infini néant

et du chaos de l’éternité.

 

Il rencontre la fille du vieux Saltiel,

noire, si belle, première de toutes les Vénus;

jamais être humain ne vit sa pareille

jusque sous les soleils d’Uranus.

 

Elle aime qu’il l’aime à en chanter

des cantiques écrits sur tous leurs moments;

il aime qu’elle le laisse l’aimer

pendant les nuits que leur donne le temps.

 

O ! parfums mystérieux

des voluptés inconnues.

O ! plaisirs silencieux

des âmes aux corps nus.

 

Que jamais ne vienne la fin des désirs;

partir en quête du secret des mots,

retrouver et le cypre et la myrrhe,

se fondre dans le silence des petites morts.

 

Ils construisent le bateau en bois de Gopher

comme l’a dessiné Utmapishtin

ils naviguent alors au dessus des terres

jusqu’aux rives du pays de Manadin.

 

Là, au bord de la mer ne reste

que Chopin; il leur joue Misty

accompagné par Denzil Best -

si heureuse mélancolie !

 

Rien, hélas, ne saurait durer,

elle n’est plus que le reflet de sa vie

quand elle le quitte, lui l’abandonné,

l’homme qui ne connaîtra plus l’oubli.

 

Cet homme n’a plus d’ailleurs ni d’ici,

il veut savoir comment la retrouver;

il part seul dans les espaces infinis

de ces pierres où tout est desséché.

 

Il a peur le jour, il a peur la nuit,

il s’éloigne - croit il - de sa douleur,

il a peur de ce qui marche derrière lui,

des ombres, des bruits porteurs de terreur.

 

Il est seul ce voyageur misérable,

ou peut être est-il accompagné,

sur ces plateaux de rocs et de sables;

il ne la voit pas celle qui l’a quitté;

 

mais elle est là, invisible, première femme

qui lui a chanté les cantiques d’amour

qui l’ont ému autant que cette femme,

amoureuse de tous les mots de l’amour,

amoureuse de tout le corps de son amour,

lui, le premier avant tous les hommes,

qu’une femme a transformé en un homme.

 

Les pierres renvoient toujours la chaleur,

les éboulis se dérobent sous ses pieds,

mais l’ombre de la femme a pris sa peur;

il est parti d’un pays sans danger

pour aller là où il est étranger;

du pays des mots qui ne tuent pas encore

pour l’ailleurs où les mots peuvent être la mort.

 

Il est si loin d’elle, si loin de chez lui,

il marche, il ne sait plus depuis quand,

personne ne le sait, nul ne s’en soucie,

alors à quoi bon connaître le temps ?

Seul, du temps, il en a trop…tellement…

au soleil couchant d’un soir, enfin

il voit les murs d’une ville dans le lointain.

 

Et c’est Jean Sébastien, oui !

qui fait une jam avec Charlie

Parker - Byrd - Ornithology,

à la trompette, ce bon Dizzy.

 

Il s’assied contre la ziggurah,

en face de celle que des hommes construisent,

celle qui dépasse toutes les autres déjà,

Babel est son nom, c’est-ce qu’ils lui disent,

 

ou peut être est-il dans une cave puante,

au fond d’une ruelle, dépotoir d’ordures

d’une ville qui lui parut étincelante

quand le soleil couchant lui était parure.

Il est là avec tous ceux qui ont fui

la famine qui épuise la volonté de lutter

contre toutes les barbaries

et ceux qui croient trouver la liberté.

 

Ils étaient peu en ces temps

qui pouvaient lire les événements

des vies d’Enkidu le titan

et de Gilgamès le géant.

En ces temps là ils étaient bien peu

qui lisaient les mots de Lie Tseu,

écoutaient parler Tchouang Tseu,

comprenaient le vieux Lao Tseu.

En ces jours lointains peu savaient

que de chaque page de Qohélet

à tous les temps qu’il décomptait -

vingt huit - tout était parfait.

Tous cherchaient déjà le mot

qui disait le sens du chaos.

 

Ce n’est pas parce qu’il y a vingt huit temps

que vingt huit est un nombre dit parfait ,

mais parce que vingt huit est un nombre parfait,

Qohélet énumère vingt huit temps.

 

Sur un parchemin, sans cesse il écrit,

il retrouve les mots d’avant sa naissance,                                                                    

 il vit avec les mots qu’elle lui apprit,

il invente les mots contre l’ignorance.

 

Il écrit, connait à nouveau la peur,

la sienne, crainte de ce que les mots rappellent;

celle des autres, visages blêmis à la lueur

des bougies, que ces signes ensorcellent,

 

ils craignent ses mots qui défient l’interdit;

leur peur est entendue, et de là-haut,

du sommet de Babel, s’abat une pluie

de langages par milliers de mots nouveaux.

 

Tous ses mots écrits sont alors brûlés,

ils disparaissent même de sa mémoire

qui s’efface dans le même autodafé,

il lui faut récrire de nouvelles histoires.

 

Il se cache à nouveau et il écrit

de belles chroniques de déserts et de mers;

autour de lui ils connaissent d’autres récits

qui parlent aussi de mers et de déserts.

Il raconte toutes sortes de personnages,

des baleines blanches, des flots en furie,

des fleuves impassibles, des vieux sages

et aussi de mystérieuses nostalgies.

 

Puis un jour il écrit six mots si courts,

des mots pour dire l’éternel néant,

une phrase qui vole de villes en faubourgs,

qui est la question, mais n’est cependant

que le plus proche des attouchements.

Et il reste étranger dans les contrées

reculées ou les plus civilisées.

 

Mais ils ont toujours peur de tous ses mots,

eux, qui sont au bagne avec Fédor,

ou en prison avec César Vallejo,

ils ont peur des mots, ignorants encore

qu’ils sont là dans les ruines de la cité

du néant, où il tue l’impossible

pour faire ce qui n’a jamais été,

retrouver les vérités invisibles.

 

Des femmes et des hommes aussi, ajoutent

des mots, des chiffres à ses chiffres et ses mots;

d’autres encore viennent et parlent de toutes

ses pages, empilant des mots sur ses mots,

faisant de ses idées leurs pensées,

idées lumineuses nées du souffle du vent,

pensées de nos pauvres cerveaux dépassés,

qui ne savent plus que décompter le temps,

 

cependant qu’ en ces jours renaissants

un sculpteur de près de cent ans,

un peintre de plus de nonante ans

dénoncent le bail de leur temps

dans de splendides inachèvements.

 

Il poursuit sa route, monte dans un train

qui traverse toute l’Asie jusqu’à Urga

où il retrouve les deux vieux franciscains

porteurs de tous les mots de paix là-bas.

 

Il repart vers l’Ouest à toute vitesse,

joue aux échecs, boit vodkas sur vodkas

pour retrouver cette si belle poétesse

dans son salon au bord de la Neva;

 

là après mille et trois tangos, Mozart

endiablé par Astor Piazzolla

danse avec Akhmatova, la Tatare,

les dernières langueurs de la Bocca.

 

Et voici les mots qui enferment le sens

entre la première et la dernière lettre,

ne laissant comme seule substance

que celle qu’ils laissent apparaître;

 

mots finis pour définir l’infini,

mots vides pour dire le trop de néant,

mots, dernières frontières de l’indéfini,

mots qui protègent comme un banal écran.

 

Des mots qui le font madame Verdurin,

des mots si familiers qu’ils lui font croire

que bien loin des turbulences du commun

il peut dire les mots valédictoires

qui le font l’intime de toute les histoires;

il peut appeler Babal, de Bréauté

et faire de Charlus un pauvre Mémé.

 

Il fait des noms de lettres et de chiffres

pour des galaxies plus loin que l’éternité;

dans les champs de la connaissance en friches,

l’inconnu semble accessible dés le nom donné.

 

Bien loin des mots qu’écrit Leonard

d’une plume trempée dans une amère citrouille,

tous les mots de tous les mondes à part

sont les fils d’une céleste quenouille;

 

tissés au milieu d’un vacarme muet

ils obscurcissent tous les ténèbres;

mais par la magie de la science apparait

le mot d’un seul langage qui célèbre

le chercheur de mots, aussi déchaîné

que Clapton dans les accords de Reptile

et qui espère que la quête est terminée

de toutes les langues et des mots inutiles.

 

Dans le tohu-bohu de pénurie,

entièrement dévêtu de toute clarté

il retourne vers le néant infini

et le chaos de l’éternité.

 

Je m’appelle Mermed ou Dogberry ou...,

certains mots - ceux que j’aime - je les dois à ma fréquentation approximative et épisodique de quelques uns; certains sont cités,

d’autres non, les voici par ordre d’entrée en ligne:

La Genèse (6.14),

Albrecht Dürer,

Jérémie (36.23),

la femme qui a participé à l’écriture du Cantique des Cantiques,

Saint Augustin,

Herman Melville,

Arthur Rimbaud,

Isaïe (24.10),

Shakespeare (Coriolan V,2 et Hamlet III,1),

Michel-Ange (la Piéta Rondanini),

Le Titien (la Piéta de l’Academia, Venise),

Les franciscains Jean du Plan Carpin et Benoist le Polonais,

Marcel Proust (Le Temps Retrouvé),

Leonard de Vinci (Codex),

Shih Tao (le moine citrouille amère - Propos sur la Peinture)

Tao Tö King (chapitre 2).

 

Le reste n’est que ma propre misère,

mais,

 

Rêveur de tous mes rêves, je crois même

que leur substance peut être mon poème.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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