Doutes

16 Janvier 2021

Antonescu, l'allié oublié...

Il y a des jours comme cela,

j'ai des doutes...

Je me prends à croire que je suis quelqu'un de généreux,

quelqu'un d'humain,

voire quelqu'un de réfléchi,

pour ainsi dire intelligent...

Je me surprends même à croire que tous nous sommes généreux -

nous sauvons ici un enfant,

là un vieillard,

nous pleurons beaucoup sur la photo d'un cadavre,

nous contestons même l'ordre établi...

jusqu'à suggérer que peut-être l'écart des revenus entre les hommes est trop important...

Alors, en ces jours,

pour vite oublier ces chiméres qui m'emportent,

je relis les lettres du Maréchal Antonescu,(1)

- celui là qui, en Mars 1941, s'auto-proclamait le Pétain roumain - oui, oui, ça existe... -

Ubu, qu'Alfred Jarry avait imité des années auparavant.(2)

Ses mots sont un hymne aussi grotesque que délirant à la gloire de mes hypocrisies, de mes lâchetés, de mon infinie stupidité...

Aux vôtres, peut être...

ou bien...

Voici les extraits d'une de ses lettres,

elle est datée du 27 Octobre 1941,

elle est adressée au docteur Wilhelm Filderman.

Monsieur Filderman,

vous me parlez, dans deux lettres successives, d'une 'effroyable tragédie' et vous implorez ma clémence en des termes impressionnants, invoquant ma conscience et mon humanité. Vous soulignez également d'être tenu à en appeler à ma personne, et à elle seule, en ce qui concerne les Juifs de Roumanie envoyés vers le Bug dans les ghettos prévus pour les accueillir.

Mêlant le tragique à votre prose, vous mettez aussi en avant le fait que cette mesure signifierait : 'la mort, la mort, la mort, sans raison et sans autre faute que celle d'être Juif.'

Monsieur Filderman, nul ne saurait être aussi sensible que moi à la souffrance des humbles et des gens sans défense. Je comprends votre douleur, mais en retour et dans le même temps, vous devriez, ou plutôt, vous auriez du comprendre la mienne, qui se confond avec celle de tout un peuple.

Quand, jours après jours, nous avons du payer avec magnanimité, mais avec un lourd tribut de sang, la haine avec laquelle vos corélégionnairesn nous ont traités pendant le retrait de nos troupes de Bessarabie, la façon dont ils nous ont reçus du Dniestr à Odessa. - Y avez-vous pensé, M. Filderman ?

Conformément à une certaine tradition, vous voudriez une fois de plus vous transformer d'accusateurs en accusés(...)

Vos Juifs ont fait preuve d'une haine poussée à l'extrème contre notre peuple tolérant et hospitalier...

En bordure de la mer d'Azov, nos troupes avaient laissé sur place quelques officiers et soldats blessés. À leur retour, nous les avons trouvés horriblement mutilés. Ils avaient les yeux arrachés,la langue, le nez et les oreilles coupés.

Te rends-tu compte du spectacle, Monsieur Filderman ?

Il t'épouvante ? Il t'émeut ?

Tu te demandes pourquoi tant de haine de la part des Juifs Russes avec lesquels nous n'avons jamais rien eu en commun ?

Mais leur haine est partagée par tous, et elle l'est par vous.

Si vous avez vraiment une âme, cessez de vous préoccuper de ce qui n'en vaut pas la peine, et intéressez vous plutôt à ce qui en vaut la peine.

Joignez donc vos larmes à celles des mères qui ont perdu leurs enfants dans d'aussi atroces tortures, et, au-delà, joignez-les à tous ceux à qui il a été fait tant de mal.

Maréchal Antonescu

(1) Ion Victor Antonescu (1882, exécuté en 1946 ) chef du gouvernement et chef de l'État roumain. Appelé Conducător (le guide), il engagea la Roumanie dans la 2° guerre mondiale aux côtés de L'Allemagne. Il fut condamné à mort pour crimes de guerre (déportation et assassinats de 400 000 Juifs et de milliers de tziganes) et fusillé après guerre.

Ses défenseurs, car il y en a encore, répètent encore la défense qui fut la sienne, à savoir qu'il a sauvé 400 000 Juifs...c'est à dire ceux qu'il n'a pas eu le temps de tuer...

(2) emprunt à Baudelaire qui disait de Poe, qu'il l'avait imité 20 ans avant sa naissance.

tous les rapprochements avec des situations actuelles sont souhaités.

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