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Effleurements livresques, épanchements maltés

J'ai écrit et j'écris les textes de ce blog; beaucoup sont régulièrement publiés en revues; j'essaie de citer mes sources, quand je le peux; ce sont des poèmes ou des textes autour des gens que j'aime, la Bible, Shakespeare, le rugby, les single malts, Eschyle ou Sophocle, la peinture, Charlie Parker ou Sibelius, la définition de l'infini de David Hilbert, les marches ici et ailleurs...Et toujours cette phrase de Halldor Laxness: 'leur injustice est terrible, leur justice, pire encore.' oliphernes@gmail.com

Codex

Codex
 
1
C’était ailleurs, en des temps étranges;
je connaissais cependant tous les noms
des roses damascènes, des mésanges,
des Léviathans, de tous les poissons;
mais peu à peu s’éveillait un soupçon,
tous ces mots dont j’avais connaissance
les baptisés approuvaient-ils leur sens ?
 
2
J’ai alors cherché dans des dictionnaires,
il y avait tous les mots que je savais,
et ceux absents de mon vocabulaire,
et les noms de choses que je voyais
que je ne savais pas toujours nommer.
Me restait un soupçon de clairvoyance:
les baptisés approuvaient-ils ces sens ?
 
3
Puis vinrent les poètes qui inventèrent
des choses splendides, des choses inconnues
qui ne figuraient dans aucun glossaire
sous leurs noms que nul n’avait jamais lus,
choses et mots que nous avions attendus
depuis les débuts de nos existences,
et ces mots-là, ils approuvaient leur sens.
 
Mots que les poètes avaient inventé,
cadences des rythmes de nos vies naissantes
depuis le premier bal de nos idées
débutantes, vierges encore, confiantes,
tantôt résignées, tantôt voyantes.
Des mots qui n’étaient que magnificence,
et ces mots-là, ils approuvaient leur sens.
 
4
Nous avons alors cru être des dieux,
nous connaissions les astres, Vénus, Pluton,
les planètes et les étoiles dans les cieux,
nous leur avions attribué des noms,
tellement assurés que nous les connaissions
ces corps célestes qui nous offraient leur danse;
mais, ces soleils approuvaient-ils ces sens ?
 
Nous nous sommes cru poètes aussitôt,
sachant dire ce qu’était l’éternité
et toutes les choses inconnues des chaos
d’avant le temps; nous leur avons donné
des noms - nous pensions tout apprivoiser
avec ces mots, masques de nos ignorances,
des mots dont elles n’approuvaient aucun sens.
 
5
j’étais devenu une invention,
un rêve, j’y étais un vieux chinois
qui rêvait qu’il était un papillon
qui rêvait qu’il était le vieux chinois
qui ne rêvait pas que j’étais lui, non !
 
6
En ces temps-là je m’appelais,
je ne sais plus…
mon nom je ne le retrouve pas dans les vieux grimoires
qui ne sont plus ma mémoire;
personne ne sait plus…
Étais-je celui-ci ou celui-là ?
nul ne le sait plus;
je connaissais le langage d’avant les langues,
celui que parlait Enoch avec les anges
qui lui enseignaient à reconnaître l’iniquité, *
cette langue dont je suis le dernier lecteur,
égaré dans les ruelles de Prague,
poursuivi entre les alambics des alchimistes
par les Béhémot et les Léviathan
et tous les Pascuans,
après mes soirées de beuverie,
quand je tentais de déchiffrer
les écrits que nul ne sait lire.
Ni l’auteur inconnu du manuscrit Voynich
ni aucun autre ne nous dira jamais
comment comprendre
leur livre et les cartes d’univers jamais vus,
et toutes les plantes de continents non connus,
accompagnées d’explications en langues inconnues,
qu’aucun Champollion n’est venu déchiffrer,
parce qu’il n’y a rien d’autre que la
beauté des glyphes et des dessins
dans ces livres ouverts aux pages de notre inconnaissance;
le codex Seraphinianus - vraie création,
le manuscrit Voynich -
peut être rien d’autre que le travail d’un faussaire de talent
pour une supercherie au quinzième siècle -
et encore d’autres pages d’autres ouvrages
dans des langues inventées - peut-être,
mais parfaits miroirs pour notre insuffisance
de faiseurs de tant de mots définis
pour être les cache-misère de notre ignorance.
Ils sont les bienvenus tous ces mots,
salutaire rappel à de modestes desseins,
quand on ne sait plus comprendre.
 
* Enoch 63.1
 
 
 
 
 
ÓMermed 

 

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