26 Juillet 2023
La quadrature du cercle, Raymond Queneau y a consacré une partie de son livre Aux Confins des Ténèbres, les fous littéraires.
1
La nouvelle quadrature du cercle...
Les puissances de derrière l'air,
le néant qui donne la vieillesse,
le temps de Planck,
la fatuité des lois physiques qui se pensent universelles,
(un philosophe qui demanda Lou en mariage sur le lac d'Orta – il s'appelait Friedrich Wilhelm Nietzsche, nous a parlé de l'absurde danger pour l'homme de croire que l'univers a été créé autour de lui...)
pour nous préparer à nos déceptions
certains ont inventé le retrait de dieu,
le tsim tsoum,
d'autres ont inventé un début des temps -
enfin presque, à un milliardième de milliardième du temps d'un flash,
comme la quadrature du cercle,
tout est dans le presque
c'est le temps où tout se contracte,
où les dieux se retirent...
nous nous continuons d'explorer,
et nous faisons toujours le feu comme nous le faisions il y a près d'un demi million d'années,
et dans l'univers résonne le cri de la croix repris en choeur
par Simon de Cyrène et Joseph d'Arimathée
'Eli, Eli, lema sabachthani ?'
Quels dieux nous abandonnent à nos balourdises?
2
de 10-43 à 4×1017
(il s’agit de secondes)
Vous, je ne sais pas, moi j’aime ces termes,
mots et chiffres, qui inventent des temps
encore inconnus et fixent précisément
les limites finies d’un temps sans terme;
l’univers a eu le génie -
Edgar Allan Poe aussi qui
imitait Baudelaire des années
avant que Charles ne soit né -
de reproduire la physique
de l’univers non statique
d’Alexandre, aussi poétique
que le chanoine catholique:
’de masse constante, l’univers symétrique
et de rayon croissant dit la vitesse unique
et radiale des nébuleuses extragalactiques.’*
- on se souvient alors de Paul Verlaine,
poète qui eut son heure d‘anonymat,
réclamant à Fauré - le fils d‘Hélène,
‘ses petites prébendes’, pour l’économat
de l’Hôtel Dieu, dues pour la Bonne Chanson,
musique de Gabriel, paroles de Paul...
- c’est assez de toutes ces fariboles,
reprenez vous sérieusement mon garçon -
j’aime le mystère de ces espaces temps
dans lesquels tout s’est fait,
ce temps si long:
quatre fois dix puissance dix sept secondes,
si bien connu,
et ce temps si bref:
dix puissance moins quarante trois seconde
encore inconnu
seul temps dont nous ne connaissons pas l’histoire…
personne ne l’a encore inventée
à ce jour,
et l’on comprend bien
- sachant que 4×1017 secondes
correspond plus ou moins à quatorze milliard d’années -
ce que représentent 10-43 secondes.…
Et c’est une création de la poésie,
physique,
mathématique,
dans un univers que les poètes
de la physique,
de la mathématique,
ont dessiné pour notre compréhension
qui rebondit sans cesse sur les frontières
que nos mots ont fixées à l’éternité de l’infini,
avant la découverte de la géométrie de l’inconnu,
et des mots pour la dire.
Pour ceux qui ne sont pas sensibles à la beauté
du temps de Planck,
à celle du Big Bang,
aux trous noirs,
à la poésie de ces rêves merveilleux,
restent Sully Prudhomme,
et les textes du livre des visages.
titre de l’article de Georges Lemaître (1927)
© Mermed