Palerme

De Sicile où je passe à nouveau des jours...

Écris(1), me dis-je, ce soir, de Palerme,

écris à la Sicile,

écris au monde, perché no ?

Ni l'un ni l'autre ne s'en souciera d'un liard.

Après avoir nagé sous les pontons splendides de Syracuse avec Archimède,

je converse de la Sicile avec Elio Vittorini,

et je déplore toutes mes compromissions avec Leonardo Sciascia,

en prenant mon temps,

puisque c'est celui de mes années perdues

en compagnie de l'ami Vitaliano Brancati,

dans cette trattoria,

à côté de mon musée désuet et désert comme celui de Salvatore Quasimodo à

Raguse,

où nous mangeons une caponata aussi ensoleillée que les mots d'Andrea Camilleri,

avant les cannoli remplis de mon appétit pour une guéparde Sicilienne

que m'a présenté Giuseppe Tomasi di Lampedusa;

après tous ces temps d'errances,

après tant de turpitudes,

j'ai gravi les pentes escarpées de Monreale,

en pèlerin peccamineux,

passant des ors discrets d'une chapelle Palatine

aux exubérances somptueuses d'une cathédrale,

pour céder à cet ancestral besoin de me confesser,

sous la naissance d'Eve,

le seul pêché de jalousie qui me reste:

un jour j'ai entendu parler un homme,

dont bien des années après je suis encore jaloux,

lui, responsable du parc naturel de Porquerolles,

avait un matin d'hiver put skier les neiges inviolées des pentes de l'île,

et ma jalousie est encore immense,

j'ai pourtant skié du sommet du Mont Ventoux jusqu'à Sault ;

j'ai skié des montagnes insolites,

des pentes bien souvent trop difficiles pour moi,

mais ce soir à Palerme,

c'est Porquerolles qui est tous mes regrets...

(1) Dans l'intimité, si mon stylo est distrait – ou fait mine de l'être – il m'arrive de me tutoyer.

© Mermed