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Effleurements livresques, épanchements maltés

J'ai écrit et j'écris les textes de ce blog; beaucoup sont régulièrement publiés en revues; j'essaie de citer mes sources, quand je le peux; ce sont des poèmes ou des textes autour des gens que j'aime, la Bible, Shakespeare, le rugby, les single malts, Eschyle ou Sophocle, la peinture, Charlie Parker ou Sibelius, la définition de l'infini de David Hilbert, les marches ici et ailleurs...Et toujours cette phrase de Halldor Laxness: 'leur injustice est terrible, leur justice, pire encore.' oliphernes@gmail.com

Le viol de Lucrèce strophes 160 - 169

Benjamin Britten, The Rape of  Lucrezia  Heather Jewson et David Krohn à Aspen

Benjamin Britten, The Rape of Lucrezia Heather Jewson et David Krohn à Aspen

 

'Tis double death to drown in ken of shore;
He ten times pines that pines beholding food;
To see the salve doth make the wound ache more;
Great grief grieves most at that would do it good;
Deep woes roll forward like a gentle flood;
Who, being stopp'd, the bounding banks o'erflows;
Grief dallied with nor law nor limit knows.

 

'You mocking birds,' quoth she, 'your tunes entomb
Within your hollow-swelling feather'd breasts,
And in my hearing be you mute and dumb!
(My restless discord loves no stops nor rests;
A woeful hostess brooks not merry guests:)
Relish your nimble notes to pleasing ears;
Distress likes dumps when time is kept with tears.

 

'Come, Philomel, that sing'st of ravishment,
Make thy sad grove in my dishevell'd hair:
As the dank earth weeps at thy languishment,
So I at each sad strain will strain a tear,
And with deep groans the diapason bear:
For burthen-wise I'll hum on Tarquin still,
While thou on Tereus descant'st better skill.

 

'And whiles against a thorn thou bear'st thy part,
To keep thy sharp woes waking, wretched I,
To imitate thee well, against my heart
Will fix a sharp knife, to affright mine eye;
Who, if it wink, shall thereon fall and die.
These means, as frets upon an instrument,
Shall tune our heart-strings to true languishment.

 

'And for, poor bird, thou sing'st not in the day,
As shaming any eye should thee behold,
Some dark deep desert, seated from the way,
That knows not parching heat nor freezing cold,
Will we find out; and there we will unfold
To creatures stern sad tunes, to change their kinds:
Since men prove beasts, let beasts bear gentle minds.'

 

As the poor frighted deer, that stands at gaze,
Wildly determining which way to fly,
Or one encompass'd with a winding maze,
That cannot tread the way out readily;
So with herself is she in mutiny,
To live or die which of the twain were better,
When life is sham'd, and Death reproach's debtor.

 

'To kill myself,' quoth she, 'alack! what were it,
But with my body my poor soul's pollution?
They that lose half with greater patience bear it
Than they whose whole is swallow'd in confusion.
That mother tries a merciless conclusion
Who, having two sweet babes, when death takes one,
Will slay the other, and be nurse to none.

 

'My body or my soul, which was the dearer,
When the one pure, the other made divine?
Whose love of either to myself was nearer?
When both were kept for heaven and Collatine?
Ah, me! the bark peel'd from the lofty pine,
His leaves will wither, and his sap decay;
So must my soul, her bark being peel'd away.

 

'Her house is sack'd, her quiet interrupted,
Her mansion batter'd by the enemy;
Her sacred temple spotted, spoil'd, corrupted,
Grossly engirt with daring infamy:
Then let it not be call'd impiety,
If in this blemish'd fort I make some hole
Through which I may convey this troubled soul.

 

'Yet die I will not till my Collatine
Have heard the cause of my untimely death;
That he may vow, in that sad hour of mine,
Revenge on him that made me stop my breath.
My stained blood to Tarquin I'll bequeath,
Which by him tainted shall for him be spent,
And as his due writ in my testament.

 

 

 

C'est double mort le naufrage en vue du port;

qui a faim devant la pitance a dix fois faim;

le mal est plus grand à la vue du réconfort;

les grandes peines pleurent surtout ce qui leur fait du bien;

les profonds regrets vont comme un fleuve serein

qui submerge les rivages, une fois arrêté;

il n’a ni lois ni limites le chagrin moqué.

 

‘Oiseaux moqueurs‘, dit-elle, ‘renfermez vos accents

dans vos poumons sous le duvet qui vient couvrir,

en ma présence soyez muets et innocents !

(mon inquiète dissonance n'aime ni pause ni soupir;

les hôtes joyeux l’hôtesse triste ne peut les souffrir)

gardez vos notes légères aux oreilles charmées;

la détresse aime le spleen, et un temps éploré.

 

Philomèle, toi qui chantes le viol, pour l‘heure

que ma tignasse soit ton triste buisson;

comme la terre humide pleure ta langueur,

je pleurerai lors de chaque morne son,

mes pleurs profonds seront le diapason;

Tarquin, l’air que je vais si mal chanter,

quand tu moduleras le nom de Terrée.

 

Toi tu tiens ton rôle appuyée contre une épine,

pour garder vivaces tes douleurs; pour t'imiter,

moi, malheureuse je dirigerai vers ma poitrine,

pour effrayer mes yeux, un couteau acéré,

et s'ils se troublent, je tomberai et mourrai.

Ainsi s’accorderont les cordes de nos cœurs,

comme les frettes d’un instrument, à la vraie langueur.

 

‘Pauvre oiseau, tu ne chantes pas pendant la journée,

comme honteux d'être aperçu, nous trouverons quelque

désert profond, noir, loin des chemins, ignoré

de la chaleur torride et du froid arctique;

nous chanterons aux fauves des airs mélancoliques

pour changer leur nature. Si les hommes sont bestiaux,

que les bêtes aient un cœur compatissant et beau.’

 

Comme la pauvre biche effrayée qui s'arrête

et regarde, sans savoir de quel côté s‘enfuir,

ou comme l‘homme, égaré dans un labyrinthe,

qui ne peut retrouver le chemin pour sortir;

en conflit intérieur, elle ne sait s’il est pire

de vivre ou de mourir, quand la vie est bassesse

et la mort un reproche que chacun nous adresse.

 

‘Me tuer,’ dit-elle, ‘hélas ! ne vais-je pas risquer

de polluer ma pauvre âme avec mon corps ?

ils restent plus sereins ceux qui perdent la moitié

que ceux qui sont dépouillés de tous leurs trésors.

Cette mère apporte une conclusion cruelle dès lors,

ayant deux beaux enfants, la mort lui en prend un,

elle tue l'autre et n'a plus à s‘occuper d‘aucun.

 

‘Mon corps ou mon âme, qui m‘était le plus précieux

l'une était encore pure, l'autre toujours divin ?

qui était le plus proche de mon amour entre eux ?

quand tous deux étaient au ciel et à Collatin ?

hélas ! qu'on arrache l'écorce du superbe pin,

ses feuilles flétriront, sa sève va s‘épuiser;

ainsi mon âme blessée sous la peau arrachée.

 

Cesse son repos, sa demeure saccagée,

son manoir pris d'assaut par l'ennemi;

son saint temple souillé, pillé, profané,

envahi par l’audacieuse infamie:

que l'on ne m'accuse pas d'être impie,

si je perce les murs du fort malveillant

pour en éloigner mon âme en tourments.

 

‘Mais je ne veux mourir avant que mon aimé

connaisse la vraie cause de ma mort prématurée;

qu’en cette heure de mon agonie, il puisse jurer

de me venger de qui me force à me tuer.

Mon sang souillé, à Tarquin je le léguerai,

souillé par lui, il sera versé justement

pour lui, ce sera son legs dans mon testament.

 

à suivre

 

 

 

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