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Effleurements livresques, épanchements maltés

J'ai écrit et j'écris les textes de ce blog; beaucoup sont régulièrement publiés en revues; j'essaie de citer mes sources, quand je le peux; ce sont des poèmes ou des textes autour des gens que j'aime, la Bible, Shakespeare, le rugby, les single malts, Eschyle ou Sophocle, la peinture, Charlie Parker ou Sibelius, la définition de l'infini de David Hilbert, les marches ici et ailleurs...Et toujours cette phrase de Halldor Laxness: 'leur injustice est terrible, leur justice, pire encore.' oliphernes@gmail.com

Le viol de Lucrèce strophes 230 - 239

Giulio Romano - fresques - 1536

Giulio Romano - fresques - 1536

 

Three times with sighs she gives her sorrow fire,
Ere once she can discharge one word of woe:
At length address'd to answer his desire,
She modestly prepares to let them know
Her honour is ta'en prisoner by the foe;
While Collatine and his consorted lords
With sad attention long to hear her words.

 

And now this pale swan in her watery nest
Begins the sad dirge of her certain ending:
'Few words,' quoth she, 'shall fit the trespass best,
Where no excuse can give the fault amending:
In me more woes than words are now depending;
And my laments would be drawn out too long,
To tell them all with one poor tired tongue.

 

'Then be this all the task it hath to say:—
Dear husband, in the interest of thy bed
A stranger came, and on that pillow lay
Where thou wast wont to rest thy weary head;
And what wrong else may be imagined
By foul enforcement might be done to me,
From that, alas! thy Lucrece is not free.

 

'For in the dreadful dead of dark midnight,
With shining falchion in my chamber came
A creeping creature, with a flaming light,
And softly cried Awake, thou Roman dame,
And entertain my love; else lasting shame
On thee and thine this night I will inflict,
If thou my love's desire do contradict.

 

'For some hard-favour'd groom of thine, quoth he,
Unless thou yoke thy liking to my will,
I'll murder straight, and then I'll slaughter thee
And swear I found you where you did fulfil
The loathsome act of lust, and so did kill
The lechers in their deed: this act will be
My fame and thy perpetual infamy.

 

'With this, I did begin to start and cry, 235
And then against my heart he sets his sword,
Swearing, unless I took all patiently,
I should not live to speak another word;
So should my shame still rest upon record,
And never be forgot in mighty Rome
The adulterate death of Lucrece and her groom.

 

'Mine enemy was strong, my poor self weak,
And far the weaker with so strong a fear:
My bloody judge forbade my tongue to speak;

No rightful plea might plead for justice there:
His scarlet lust came evidence to swear
That my poor beauty had purloin'd his eyes;
And when the judge is robb'd the prisoner dies.

 

'O, teach me how to make mine own excuse!
Or at the least this refuge let me find;
Though my gross blood be stain'd with this abuse,
Immaculate and spotless is my mind;
That was not forc'd; that never was inclin'd
To accessary yieldings, but still pure
Doth in her poison'd closet yet endure.'

 

Lo, here, the hopeless merchant of this loss,
With head declin'd, and voice damm'd up with woe,
With sad set eyes, and wretched arms across,
From lips new-waxen pale begins to blow
The grief away that stops his answer so:
But wretched as he is he strives in vain;
What he breathes out his breath drinks up again.

 

As through an arch the violent roaring tide
Outruns the eye that doth behold his haste;
Yet in the eddy boundeth in his pride
Back to the strait that forc'd him on so fast;
In rage sent out, recall'd in rage, being past:
Even so his sighs, his sorrows make a saw.
To push grief on, and back the same grief draw.

 

 

 

 

 

 

 

Trois fois elle soupire pour faire droit à son chagrin, 230

ne peut se libérer d’un mot de désespoir:

après avoir été suppliée de répondre, enfin

elle se prépare humblement à faire savoir

qu’elle est tombée aux mains de l'ennemi, sa gloire;

Collatin, les seigneurs graves et attentionnés

languissent d’entendre Lucrèce enfin parler.

 

Maintenant ce pâle cygne entame dans le nid d’eau

l’hymne funèbre si triste de sa mort inéluctable:

et ce sera bien assez,’ dit-elle, ‘ peu de mots

pour cette abomination inexcusable:

il y a en moi plus de douleurs que de vocables;

et mes tourments pour ma pauvre langue fatiguée,

ce serait bien trop long de tous les raconter.

 

C‘est ainsi que je dois donc parler:

- cher époux, un étranger est venu

s’étendre dans ton lit et sur l’oreiller

où tu reposes ta tête rompue;

et tout le mal qui m’a été fait, tu

l’imagines et la violence aussi,

à laquelle ta Lucrèce fut asservie.

 

Au noir minuit de la mort effrayante,

dans ma chambre un homme s’est glissé,

à la main, chandelle et épée brillante,

réveille-toi, Romaine, a t’il chuchoté

prends mon amour; ou je vous couvrirai

toi et les tiens d’une honte pour toujours,

si tu ne cèdes à mes désirs d’amour.

 

Si tu ne satisfais toutes mes envies,

un de tes hideux valets je tuerai,

puis je te poignarderai, a-t-il dit;

je jurerai que je vous ai pincé

en ébats lubriques et que j'ai tué

les débauchés, geste qui fera ma gloire

et ton déshonneur pour toute l‘histoire.

 

Je fus alors prise de frissons et de sanglots, 235

il a juré que si je n’étais pas douceur,

je ne vivrais plus pour prononcer un seul mot,

en pointant encore son poignard sur mon cœur;

qu'ainsi ma honte survivrait par toutes les rumeurs,

et jamais la Rome impériale n’oublierait

les morts adultères de Lucrèce et son valet.

 

Mon ennemi était fort, et j‘étais faible, moi,

plus faible encore, à une telle terreur soumise:

mon juge de sang exigeait que se taise ma voix;

nul appel fondé pour plaider pour la justice:

écarlate, il témoignait sous serment, son vice:

ses yeux avaient été envoûté par ma beauté;

le prisonnier meurt, quand le juge est volé.

 

Laissez- moi présenter ma décharge !

pour que je puisse retrouver cet appui;

mon sang vil est souillé par cet outrage,

mais mon âme est pure, sans tache, unie;

elle n’a pas été contrainte; ne se fit

complice de ma faiblesse, elle est restée

pure dans mon corps, ce placard infecté.’ 

 

le marchand qui a perdu tout espoir, ruiné

tête penchée, voix qui n‘est rien de plus qu‘un sanglot,

yeux tristes et fixes, misérable, bras croisés;

à ses lèvres pâles comme cire arrivent les mots

pour dire ses malheurs, mais arrêtés aussitôt;

misérable comme il l’est, il se débat vainement,

l’air qui vient à ses lèvres, son souffle le reprend.

 

le flot qui gronde sous les tabliers

échappe à l’œil qui le suit et le retient;

il oblige son orgueil à retourner

vers l’étroit passage qui l’a contraint;

la rage l’a poussé, en rage il revient;

aux yeux de tous, ses soupirs, ses tristesses

montrent son chagrin, puis disparaissent.

 

à suivre

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