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Effleurements livresques, épanchements maltés

J'ai écrit et j'écris les textes de ce blog; beaucoup sont régulièrement publiés en revues; j'essaie de citer mes sources, quand je le peux; ce sont des poèmes ou des textes autour des gens que j'aime, la Bible, Shakespeare, le rugby, les single malts, Eschyle ou Sophocle, la peinture, Charlie Parker ou Sibelius, la définition de l'infini de David Hilbert, les marches ici et ailleurs...Et toujours cette phrase de Halldor Laxness: 'leur injustice est terrible, leur justice, pire encore.' oliphernes@gmail.com

Mermed (9)

Mermed (9)

 

Quand ils arrivent au commissariat, il y a encore quelques journalistes.

- Je n’ai rien de nouveau à vous dire, mais nous ferons un point tous les jours, à demain.

De son bureau elle appelle le labo:

- Le cadavre est celui d’une femme entre trente et trente cinq ans, un mètre soixante sept, cinquante trois kilos, brune, elle a eu un enfant, on a ses empreintes digitales et on a trouvé quelques cheveux sous ses ongles, ce ne sont pas les siens.

- Les causes de la mort?

- Empoisonnement par piqûre, hier, vers dix heures du matin.

- Le visage?

- C’est bien de l’acide.

- Pour empêcher l’identification et je suis certaine que les empreintes ne sont pas dans les fichiers.

- Oui, sinon elles auraient été effacées.

- Aucun signe particulier?

- On n’a pas tout à fait terminé…

- Et l’incendie?

- Dans un des gros colis en carton il y avait le corps aspergé d’essence et enveloppé dans des sacs plastique, un allumeur était dans le sac, il a été déclenché à distance et le feu a pris.

- C’est tout simple, rien d’autre?

- Ni tatouage, ni cicatrice.

- Vous me tenez au courant dés que vous trouvez autre chose?

- Oui, et bon courage pour votre première affaire ici.

- J’en ai, mais là je suis gâtée.

Elle a reçu de nombreux coups de téléphone pendant la journée, elle parle au préfet, au procureur, au directeur qui lui dit que le ministre suit l’affaire de très près. Elle leur dit à tous ce qu’elle sait et qu’elle les tiendra au courant régulièrement.

Elle informe Ichebac des découvertes du labo.

- Est-ce que vous savez quand les colis ont été livrés?

- Oui, tout est arrivé hier en fin d’après midi, elle était déjà morte.

- Le corps était déjà dans un des cartons.

- Qui a fait la livraison?

- La camionnette de la papeterie, elle a livré dix cartons.

- Ils ne livrent que la prison?

- Non, mais quand ils ont de la marchandise pour la prison ils ne font que cela, ils chargent à Henoke et viennent directement ici.

- Il faut se renseigner sur l’imprimerie.

- Je m’en suis occupé.

- Et alors?

- Ils sont agréés par l’administration depuis plus de vingt ans. Il n’y a jamais eu aucun problème.

- On enverra Rolles et Dupuy demain à Henoke, il faut savoir, le corps est bien entré dans un des cartons. Prévenez tout le monde, on fait un point dans dix minutes.

Cette enquête s’annonce délicate, ça va lui occuper l’esprit, maintenant qu’elle est seule.

Les inspecteurs attendent son arrivée dans la salle du premier étage.

- Je pense que tout le monde déjà est au courant.

Elle raconte ce qu’ils ont découvert dans la journée et demande à Ichebac de constituer les équipes et de répartir les tâches.

- Il s’agit d’une affaire compliquée mais intéressante, une véritable énigme policière, conclut-elle.

Ichebac prend la parole à son tour.

- Tout ce que nous savons, c’est que le corps est arrivé à la prison dans un carton de la papeterie, il n’est pas possible que le corps ait été amené après les cartons et déposé au milieu d’eux. Bien que la G.P.I.H. soit connue, on enquête sur elle, Thévenin, tu as l’habitude, tu t’en occupes.

- D’accord, je m’y mets demain.

- Il faut trouver qui est cette femme. Les empreintes ont été envoyées à tous les fichiers centraux, on saura rapidement, mais je crois que l'on apprendra rien, on va aussi consulter le fichier des personnes disparues, Marie Claude tu t’en charges avec tes deux enquêteurs.

- Oui, on envoie aussi un signalement?

- Bien sûr.

- Seulement en France?

- Non, toute l’Europe.

La commissaire ajoute

- On annoncera demain la date de l’enterrement, on ne sait jamais, que tout le monde essaye de réfléchir: pourquoi ce cadavre a t’il été amené dans cette prison? Je crois que ça nous aidera à trouver qui l’a amené, qui a tué et pourquoi? Merci à tous rentrez chez vous maintenant, à demain.

Épuisée, Danielle arrive chez elle. Après avoir pris une douche et mangé une salade elle se couche en prenant avec elle l’un des textes que lui a remis Lemek, il a un titre: les draps.

 

 

« Des morceaux de tissu, qu’est ce que l’on peut en faire? Des vêtements bien sûr, ça peut aussi être Cézanne qui les trempe dans l’eau, les enduit de plâtre pour que les plis restent les mêmes d’une séance de travail à l’autre, sous la coupe de fruits.. Avec quelques pièces de tissu blanc, on peut aussi faire un Cinéma Paradisio qui projette, les soirs d’été, l’Impératrice Rouge, Marlène Dietrich n’a jamais été aussi belle que ce soir là.

Deux morceaux de tissu, ça peut aussi devenir deux draps plus ou moins blancs, plus ou moins troués, qui racontent des histoires, toujours les mêmes, toujours un peu tristes, de types qui n’ont pas eu de chance – tu comprends, j’avais eu un tuyau, les propriétaires devaient être absents tout le week end, j’étais en train d’ouvrir un coffre et ils sont rentrés – d’autres qui se sont trompé d’orientation professionnelle, des histoires d’hommes devenus seuls – pas nécessairement par choix.

Et puis, un jour, on a des draps tout neuf, sans histoire, qu’est ce qui se passe? On fait son lit encore mieux que d’habitude et tout le jour, confusément, on attend qu’arrive le soir, le moment de se glisser dans un lit tellement transformé que – non on est bien ici, mais le corps prend du plaisir à sentir le contact innocent de ces draps. Alors bien sûr, ces draps que l’on a pour quinze jours, au bout d’une semaine on les lavera dans son seau pour savourer totalement ce plaisir. On se dit que l’on a eu de la chance – à moins qu’elle n’ait eu un coup de pouce – que le buandier soit un garçon avec lequel on a sympathisé et c’est encore mieux que la chance.

 

J’ai oublié de vous le dire, mais vous vous en souvenez, Baudelaire a écrit « un lit avec des draps frais, quoi de mieux? »

 

à suivre

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