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Effleurements livresques, épanchements maltés

J'ai écrit et j'écris les textes de ce blog; beaucoup sont régulièrement publiés en revues; j'essaie de citer mes sources, quand je le peux; ce sont des poèmes ou des textes autour des gens que j'aime, la Bible, Shakespeare, le rugby, les single malts, Eschyle ou Sophocle, la peinture, Charlie Parker ou Sibelius, la définition de l'infini de David Hilbert, les marches ici et ailleurs...Et toujours cette phrase de Halldor Laxness: 'leur injustice est terrible, leur justice, pire encore.' oliphernes@gmail.com

Mermed (1)

J'ai écrit ce roman en vingt-trois jours, dans une cellule individuelle; cela pour que vous soyez indulgent, non pour le sort du détenu, mais sur les difficultés d'écrire sans dictionnaire, avec peu de lumière et beaucoup de bruit; je ne l'ai pas corrigé.

J'ai écrit ce roman en vingt-trois jours, dans une cellule individuelle; cela pour que vous soyez indulgent, non pour le sort du détenu, mais sur les difficultés d'écrire sans dictionnaire, avec peu de lumière et beaucoup de bruit; je ne l'ai pas corrigé.

MERMED

 

Dark shall be my light and night my day;

To think upon my pomp shall be my hell.

Shakespeare       Henry VI (2° partie)

 

1

La grande plaine est balayée par des vents inconnus que la petite colline détourne à peine avant qu’ils ne s’engouffrent dans la prison par les interstices des fenêtres de toutes les cellules. C’est un soir d’hiver, le vent a succédé à la neige qui est tombée pendant une grande partie de l’après midi.

La prison de Haran est calme. Il est sept heures. Les détenus ont fini de manger depuis plus d’une heure. Toutes les cellules ont été refermées avant que l’équipe des gardiens de nuit ne prenne son service.

La télévision est allumée presque partout, et comme chaque soir les acteurs spécialistes des techniques de combat font des audiences exceptionnelles. Une soirée routinière dans une prison ordinaire où quelques détenus ont délaissé les joies de la télévision pour lire, écrire ou rêvasser.

Le Marseillais dans sa cellule, peint. Il s’est aperçu, lors de ce séjour, qui n’est pas le premier, qu’il est capable de peindre et même bien. Il n’a pas encore osé faire autre chose que des reproductions, à partir des livres qu’il trouve à la bibliothèque. Le dernier tableau qu’il a donné à sa femme était une vue du village d’Auvers sur Oise de Van Gogh. Un spécialiste de la chourave d’antiquités et de tableaux lui a dit qu’il était réussi. Il travaille maintenant sur un Monet. Un jour, bientôt, il fera ce qu’il voit, ce qu’il sent. Un détenu lui a proposé de travailler ensemble un tableau et un texte sur un sujet qu’ils choisiront.

Il y a aussi une cellule dans laquelle un détenu prie. Les autres prisonniers l’ont appelé l’Abbé. Sa prière c’est la lecture de toutes les hagiographies et son langage celui de toutes les imitations de Jésus Christ.

L’Élu, comme tous les soirs, écrit son livre sur la prison, le système judiciaire. Ce sera un document de plus, peut être intéressant s’il arrive à gommer la fausse ironie qui dissimule, souvent maladroitement, son vrai désarroi.

Mermed lit, mais son esprit, ce soir a du mal à se fixer. Le livre qu’il a commencé à lire le ramène quelques années en arrière, quand il avait fuit un monde dans lequel il ne trouvait pas sa place, en s’engageant dans l’armée.

Il y a bien eu du vacarme une demi-heure plus tôt quand un prisonnier, en faisant chauffer de l’eau avec son toto mal bricolé, a fait sauter les plombs, privant ainsi tout l’étage du film, mais tout est rentré dans l’ordre au bout de quelques minutes. C’est d’ailleurs comme cela tous les soirs, et c’est sûrement toujours le même. Tous maudissent et insultent celui dont, ils en sont certains, même s’ils ne l’ont pas encore identifié, la mère se prostitue.

C’est une nuit calme, une nuit normale. Dans le poste central de surveillance, les deux gardiens et le brigadier sont devant les écrans de contrôle. Les caméras sont installées de manière à pouvoir surveiller tous les étages ainsi que tous les locaux annexes et les espaces extérieurs, la cour de promenade, le terrain de sport, les grillages et les murs d’enceinte. Là aussi tout est calme.

Le changement de gardien dans les quatre miradors, un à chaque angle du mur d’enceinte a eu lieu à trois heures et quart. C’est Toubal qui est au mirador de l’angle sud. De son poste il voit toute la façade est du bâtiment principal ainsi que la cour de promenade et la cuisine. Depuis un moment il regarde en direction du recoin qui est entre la cuisine et la cour de promenade de l’autre côté des grilles. Il lui a semblé apercevoir de la fumée. Effectivement il y en a de plus en plus, il se penche et voit quelques flammes, il appelle aussitôt le poste de surveillance,

- Chef, il y a le feu dans le recoin derrière le sas. Vous devriez aller voir.

- J’envoie quelqu’un.

Aussitôt, il dit à Dedan, l’un des deux gardiens qui est avec lui au poste, devant les écrans:

- Toubal dit qu’il y a des flammes dans le recoin, va voir ce qui se passe.

Dedan sort du poste, le Chef ouvre la porte du sas et la referme dès que Dedan est sorti. Quelques minutes plus tard celui ci sonne, le Chef lui ouvre le sas à nouveau et Dedan rentre rapidement dans le poste.

- chef, chef, Il y a le feu dans les cartons qui ont été amenés cette après midi par la papeterie.

La grande papeterie industrielle de Henoke est l’entreprise pour laquelle travaillent quarante-trois détenus qui font de l’encartage et du façonnage, ce qui leur permet de cantiner chaque mois de façon confortable. Il y a toujours un stock de cartons sur palettes avec le travail à faire. Les palettes de travaux terminés repartent régulièrement dans les entrepôts de la papeterie à Henoke, ville moins importante que Haran, à environ quatre vingt kilomètres.

- ça a l’air grave?

- J’ai commencé à écarter les cartons qui ne sont pas touchés, le feu n’ira pas loin, mais il faudrait qu’on y aille avec des extincteurs.

- Je vais réveiller Hazo. A deux, vous y arriverez?

- Oui, sans problème.

Vingt minutes plus tard, Hazo et Dedan reviennent:

- ça y est, Chef, le feu est éteint.

- Pas de dégâts?

- si, quand même, il y a pas mal de cartons complètement cramés,, sinon rien, enfin apparemment, on ne voit rien la bas il n’y a toujours pas de lumière, mais avec les torches on a rien vu.

    - Vous allez quand même surveiller régulièrement, disons toutes les vingt minutes.

    - Bien, Chef.

    - Je ne vais pas déranger Lemek et Gomer maintenant. On leur dira quand ils arriveront.

    - Il faudrait peut être dire à Toubal ce qui s’est passé.

    -Oui, je m’en occupe.

    Il informe Toubal, se dit qu’il a raison de ne pas prévenir le directeur et le surveillant Chef tout de suite – pas la peine d’avoir Lemek et Gomer sur le dos.

    - Qu’est ce qui a pu se passer?

    - ça doit être un mégot mal éteint jeté pendant la promenade, et avec ce vent…

    - Oui, peut être; on essaiera d’y voir plus clair tout à l’heure. Je vais faire mon rapport tout de suite, on verra bien avec Gomer. Il n’y a rien eu de spécial à part ce feu, cette nuit? …

    - Non aucun mouvement, dit Dedan.

    - Hazo, maintenant que tu es debout, tu vas refaire une ronde, avec appel, tu attends qu’ils te répondent, vas-y aussi, Dedan. Faites deux étages chacun.

    - Bien, Chef.

    Un quart d’heure plus tard, Hazo et Dedan reviennent au poste.

    - Ils sont tous là. Quatre vingt un au quatrième, soixante quinze au trois,

    - Et soixante sept au deux et quatre vingt trois au premier.

    - Je termine mon rapport, n’oubliez pas d'aller régulièrement si c'est bien éteint.

      - J’y vais, dit Médan.

      - Hazo, prépare-nous du café.

      - Tout de suite, Chef.

      à suivre

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