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Effleurements livresques, épanchements maltés

J'ai écrit et j'écris les textes de ce blog; beaucoup sont régulièrement publiés en revues; j'essaie de citer mes sources, quand je le peux; ce sont des poèmes ou des textes autour des gens que j'aime, la Bible, Shakespeare, le rugby, les single malts, Eschyle ou Sophocle, la peinture, Charlie Parker ou Sibelius, la définition de l'infini de David Hilbert, les marches ici et ailleurs...Et toujours cette phrase de Halldor Laxness: 'leur injustice est terrible, leur justice, pire encore.' oliphernes@gmail.com

Tout cela je l'ai vu

J'ai vu le fils prétendu d'Antiochis(1), Orophernes,

Celui dont le beau visage
aux traits fins, un soupçon de sourire aux lèvres,
est gravé sur la monnaie antique,
Ce visage qui sur la pièce de quatre drachmes
nous a laissé la grâce de sa jeunesse,
et le souvenir poétique d'un garçon de l'Ionie.

 

J'ai vu la tête d'Holopherne,

tendue au dessus des remparts

par une Judith toute vêtue de la beauté,

qui séduisit le général de Nabuchodonosor.

Ivre de vin et de concupiscence, celui-ci

au milieu de son immense armée,

abandonna sa tête au couteau de son désir.(2)

 

J'ai vu le maître d'école, Holophernes(2),

sur la scène dans la cour du château,

parmi les courtisans, les siens, ceux du roi,

il était là, consolateur pédant,

au milieu des peines d'amour perdues,

et le fil de sa verbosité se dévidait plus subtilement

que l'écheveau de son argumentation.

 

J'ai vu les trois filles du maître d'Oliferne

rouler dans trois tonneaux garnis de pointes,

et les tonneaux étaient en feu,

et ils roulaient sur la pente abrupte,

et j'entendais les cris des trois martyres

que l'eau sauva de l'oubli

en faisant trois damettes.(4)

 

Tout cela je l'ai vu.

 

 

1 Orophernes était l'un des deux fils d'Antiochis qu'elle prétendait avoir eus avec Ariarathes IV , le roi de Cappadoce parce qu'elle n'avait pas d'enfants.  Ensuite elle eut un enfant, Mithridate, et dit à son mari le vrai statut de ses deux prétendus fils. Ceux-ci furent envoyés à Rome et Ionia  pour éviter un différend de succession avec le fils légitime, dont le nom fut changé en Ariarathes et qui succéda à son père vers 163 avant JC.  Quelques années plus tard, Orophernes le déposa avec l'aide de Démétrius Ier Soter , qui devint roi de l' empire séleucide basé en Syrie en 161 av.J.-C. Le règne d'Orophernes fut de courte durée, car les Romains restaurèrent Ariarathes V. Je cite ici en partie le poème que Constantin Cavafis a consacré à Orophernes.

 

2 Holopherne, est un général de Nabuchodonosor, à qui Judith trancha la tête pour sauver son peuple. L'histoire de Judith est à lire dans la Livre de Judith dans la Bible.

 

 

3 Holophernes est un des personnages secondaires de la comédie de Shakespeare Love's Labour's lost (Peines d'amour perdues), c'est un maître d'école, dont la pédanterie tente de dissimuler les lacunes derrière des citations latines. Il fait partie de ces nombreux personnages de Shakespeare qui apportent une respiration – toujours très bienvenue – dans l'intrigue de la pièce.

 

4 Le château d'Oliferne, construit vers 1230 au sommet d'un pic (807 m) au-dessus de la vallée de l'Ain, est un site d'une rare beauté. L'épisode dont il est question ici, nous en reprenons le récit chez un historien du 19° siècle, Alphonse Rousset : 'Le seigneur d’Oliferne était un homme fourbe et cruel, constamment en guerre avec ses voisins. Un jour, ses ennemis parvinrent à prendre le fort, et le seigneur réussi à fuir par un souterrain, mais ses trois filles étaient restées au château. Par haine, les assaillants les enfermèrent dans trois tonneaux garnis de pointes et les jetèrent le long des pentes du pic d’Oliferne, où ils dévalèrent jusque dans la vallée de l’Ain. Elles réapparurent en face sous la forme de trois rochers, aujourd’hui dénommés les trois damettes. '

 

 

© Mermed 

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