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Effleurements livresques, épanchements maltés

J'ai écrit et j'écris les textes de ce blog; beaucoup sont régulièrement publiés en revues; j'essaie de citer mes sources, quand je le peux; ce sont des poèmes ou des textes autour des gens que j'aime, la Bible, Shakespeare, le rugby, les single malts, Eschyle ou Sophocle, la peinture, Charlie Parker ou Sibelius, la définition de l'infini de David Hilbert, les marches ici et ailleurs...Et toujours cette phrase de Halldor Laxness: 'leur injustice est terrible, leur justice, pire encore.' oliphernes@gmail.com

Le viol de Lucrèce strophes 37 - 46

Jan Sanders van Hemessen  (né vers 1500,  mort vers 1566)

Jan Sanders van Hemessen (né vers 1500, mort vers 1566)

 

Quoth he, 'She took me kindly by the hand,
And gaz'd for tidings in my eager eyes,
Fearing some hard news from the warlike band,
Where her beloved Collatinus lies.
O how her fear did make her colour rise!
First red as roses that on lawn we lay,
Then white as lawn, the roses took away.

 

'And how her hand, in my hand being lock'd,
Forc'd it to tremble with her loyal fear;
Which struck her sad, and then it faster rock'd,
Until her husband's welfare she did hear;
Whereat she smiled with so sweet a cheer,
That had Narcissus seen her as she stood,
Self-love had never drown'd him in the flood.

 

'Why hunt I then for colour or excuses?
All orators are dumb when beauty pleadeth;
Poor wretches have remorse in poor abuses;
Love thrives not in the heart that shadows dreadeth:
Affection is my captain, and he leadeth;
And when his gaudy banner is display'd,
The coward fights and will not be dismay'd.

 

'Then, childish fear, avaunt! debating, die!
Respect and reason wait on wrinkled age!
My heart shall never countermand mine eye;
Sad pause and deep regard beseem the sage;
My part is youth, and beats these from the stage:
Desire my pilot is, beauty my prize;
Then who fears sinking where such treasure lies?'

 

As corn o'ergrown by weeds, so heedful fear
Is almost chok'd by unresisted lust.
Away he steals with opening, listening ear,
Full of foul hope, and full of fond mistrust;
Both which, as servitors to the unjust,
So cross him with their opposite persuasion,
That now he vows a league, and now invasion.

 

Within his thought her heavenly image sits,
And in the self-same seat sits Collatine:
That eye which looks on her confounds his wits;
That eye which him beholds, as more divine,
Unto a view so false will not incline;
But with a pure appeal seeks to the heart,
Which once corrupted takes the worser part;

 

And therein heartens up his servile powers,
Who, flatter'd by their leader's jocund show,
Stuff up his lust, as minutes fill up hours;
And as their captain, so their pride doth grow.
Paying more slavish tribute than they owe.
By reprobate desire thus madly led,
The Roman lord marcheth to Lucrece' bed.

 

The locks between her chamber and his will,
Each one by him enforc'd retires his ward;
But, as they open they all rate his ill,
Which drives the creeping thief to some regard,
The threshold grates the door to have him heard;
Night-wand'ring weasels shriek to see him there;
They fright him, yet he still pursues his fear.

 

As each unwilling portal yields him way,
Through little vents and crannies of the place
The wind wars with his torch, to make him stay,
And blows the smoke of it into his face,
Extinguishing his conduct in this case;
But his hot heart, which fond desire doth scorch,
Puffs forth another wind that fires the torch:

 

 

 

Il dit, ‘elle m'a pris tendrement par la main,

voulant en apprendre plus dans mes yeux affamés,

craignant de mauvaises nouvelles de Collatin

son bien-aimé, et de cette belliqueuse armée.

Oh! comme la crainte lui faisait un teint coloré !

d'abord rouge comme les roses sur la pelouse,

puis pâle comme une pelouse une fois cueillies les roses.

 

Et sa main, bloquée dans la mienne me forçait

à sentir les frissons de ses craintes dévouées,

qui l‘attristèrent, toujours plus elle frémissait

jusqu'à ce qu'elle apprît que son époux était sauvé:

elle sourit alors avec tant d‘aménité,

que si Narcisse l'avait vue en ce moment,

l'égotisme ne l'eût pas noyé dans le torrent.

 

Pourquoi chercher un habillage ou des excuses ?

Quand la beauté plaide, les orateurs sont sans voix;

les gueux se repentent quand pauvrement ils abusent;

l'amour ne fleurit pas au cœur plein d‘effroi:

l'amour est mon capitaine, il montre la voie;

lorsque sa racoleuse bannière est déployée,

le lâche combat, et ne sera pas humilié.

 

File donc peur puérile ! foin des débats oiseux !

respect et raison, attendez les rides de l‘âge !

Mon cœur ne contrariera jamais mes yeux,

la triste pause, l’estime profonde vont au sage;

mais pas sur scène où je suis jeune, sans partage:

le désir est mon pilote, mon prix la beauté;

où il y a un tel trésor qui a peur de couler ?

 

Comme le blé envahi d'ivraie, la crainte zélée

est presque détruite par le désir cassant.

Il se glisse, l'oreille prête à tout écouter,

plein d’espoir nauséabond et d‘amour méfiant;

tous deux serviteurs de l'injustice, le piquant;

opposés, ils veulent qu’il adopte leur opinion

tantôt il choisit la paix, puis une invasion.

 

Dans sa pensée se grave sa céleste effigie,

et sur le même trône il y a aussi Collatin:

son œil qui la regarde lui trouble l‘esprit;

cet autre, qui le regarde lui, comme plus divin

ne veut se soumettre à un spectacle si impie;

il adresse au cœur un appel vertueux qui,

une fois corrompu prend la plus mauvaise partie.

 

Il encourage alors ses pouvoirs flagorneurs,

qui, flattés par le chef à la belle apparence,

gavent son désir quand les minutes deviennent des heures;

comme leur capitaine, leur fierté croît d‘importance,

et plus qu’ils ne doivent ils payent une redevance.

Fou, mené par une culpabilité salace,

le prince romain marche vers le lit de Lucrèce.

 

Les serrures entre la chambre et sa volonté

sont toutes forcées par lui et ne gardent plus rien;

mais en s'ouvrant toutes pèsent la force de son pêché,

et le voleur à quelque prudence est contraint.

Le seuil fait crisser la porte pour qu’il l’entende bien;

les belettes, errantes des nuits, crient quand elles le voient;

elles lui font peur, cependant il dompte son effroi.

 

A chaque porte qui lui cède le passage à regret, 

à travers les trous et les petites fentes, le vent

lutte avec sa torche pour le forcer à l’arrêt,

et lui souffle la fumée au visage, maintenant

éteignant sa clarté conductrice, ce faisant;

mais son cœur impatient, que brûle l’immonde envie,

exhale un autre souffle qui rallume la bougie.

 

à suivre

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