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Effleurements livresques, épanchements maltés

J'ai écrit et j'écris les textes de ce blog; beaucoup sont régulièrement publiés en revues; j'essaie de citer mes sources, quand je le peux; ce sont des poèmes ou des textes autour des gens que j'aime, la Bible, Shakespeare, le rugby, les single malts, Eschyle ou Sophocle, la peinture, Charlie Parker ou Sibelius, la définition de l'infini de David Hilbert, les marches ici et ailleurs...Et toujours cette phrase de Halldor Laxness: 'leur injustice est terrible, leur justice, pire encore.' oliphernes@gmail.com

Pardon

Pardon

 

Ce sont de belles inventions que la charité, la compassion et la bienveillance,

des choses inventées par des gens assis à leur bureau,

qui savent enfiler un mot dans le cul d’un autre et tous les mots dans le cul de l’humanité,

et que nous tous,

victimes de la bienveillance humanitaire,

de l'acide de la sympathie,

du poison de la pitié,

croyons part de notre nature humaine.

 

C’est une belle invention que le pardon,

une rémission inventée par des gens installés derrière leurs chaires,

qui savent ouvrir les portes des apaisements,

indispensables pour accepter notre nature inhumaine.

 

Nous avons entendu Innocent Rwililiza, un des 20 rescapés des 6000 tutsis fuyant les tueurs dans la forêt de Kayumba, l’avons-nous écouté ?

Au fond, qui parle de pardon ? Les Tutsis, les Hutus, les prisonniers libérés, leurs familles ? Aucun d’eux, ce sont les organisations humanitaires. Elles importent le pardon au Rwanda, et elles l’enveloppent de beaucoup de dollars pour nous convaincre. Il y a un Plan Pardon comme il y a un Plan Sida, avec des réunions de vulgarisation, des affiches, des petits présidents locaux, des Blancs très polis en tout-terrain turbo. Ces humanitaires donnent des leçons aux enseignants, sensibilisent les conseillers communaux. Ils financent des projets d’aides assorties. Nous, on parle du pardon pour être bien considérés et parce que les subventions peuvent être lucratives. Mais dans nos causeries intimes, le mot pardon est étranger, je veux dire, contraignant.'

 

Mais nous pardonnons,

et demandons pardon,

pour enfouir notre désespoir sous les ruines de nos vies,

et faire disparaître toute étincelle ‘d’intelligence pour la tristesse’(1),

et frapper en cadence avec le marteau de notre indifférence sur ‘l’enclume du futur’(2),

 

Tchouang Tseu, Leonardo Sciascia, Sayd Bahodine Majrouh, les survivants Tutsis (propos recueillis par Jean Hatzfeld) m’ont soufflé les mots de ce texte qui concerne aussi ma propre vie et qui sous entend tous les génocides (Arméniens, Shoah, Khmers – je ne peux les citer tous et des points de suspension donneraient une mort supplémentaire à tous les sacrifiés de l’histoire)

(1) Francine Niyitegeka (citée par Jean Hatzfeld)

(2) Vladimir Jankélévitch

© Mermed Décembre 2017 – 4 Février 2018

 

 

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