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Effleurements livresques, épanchements maltés

J'ai écrit et j'écris les textes de ce blog; beaucoup sont régulièrement publiés en revues; j'essaie de citer mes sources, quand je le peux; ce sont des poèmes ou des textes autour des gens que j'aime, la Bible, Shakespeare, le rugby, les single malts, Eschyle ou Sophocle, la peinture, Charlie Parker ou Sibelius, la définition de l'infini de David Hilbert, les marches ici et ailleurs...Et toujours cette phrase de Halldor Laxness: 'leur injustice est terrible, leur justice, pire encore.' oliphernes@gmail.com

Que dire à ceux qui ne savent pas ?

Que dire à ceux qui ne savent pas ?

Tout d'abord je ne voulais rien ajouter – aujourd’hui - aux mots de Sayd Bahodine Majrouh,

 


"Pour les errants, l’accueil reçu en terre étrangère fut à la fois un soulagement et une épreuve. Quelques-uns d'entre eux, se plaignant amèrement du comportement parfois hostile des populations locales, vinrent trouver le Voyageur de Minuit pour lui exposer leur inquiétude. Il n'était pas facile, ici, d'être accepté et respecté : que faire, et comment, face à la méfiance des autochtones ? 

Après avoir longuement écouté leurs doléances, le Voyageur se laissa convaincre de parler à son tour. 
Jetés loin de la terre natale, venus chercher refuge ici, chez des gens ignorant tout du Monstre, 
vous avez hélas la responsabilité de leur montrer trace vive de l'imparable douleur - ce que des insouciants supportent toujours mal. 

Dites-leur : 
Voici qu'approche la Grande Dévastation ! Apprenez à la reconnaître : douleur, malheur, enfer ! Elle approche, elle se faufile sous nos pas, elle nous poursuit jusque chez vous et déjà elle vous guette. Ah, de grâce aidez-nous si vous voulez vous aider vous-mêmes ! 

Dites-leur : 
Voici que frappe à votre porte la Grande Dévastation ! Soyez vigilants, ô amis ! Ne permettez pas que quelques-uns, chez vous, concluent un pacte avec le Monstre. Ne permettez pas que l'on vous conduise du sommeil à l'oubli. Ne permettez pas que la porte soit ouverte au fléau. 

Dites-leur : 
Voici que gronde la tempête au-dessus de vos toits, et voici que le sol va rouler sous vos pieds. Et vous avez bâti de paille et de boue séchée ! Et vous avez fondé foyer sur le lit du torrent qui vient ! 

Le Voyageur, après une pause : 
Mais qui sait comment réagit l'insouciant face à l'annonce du danger ? Empêcheront-ils les lâches, les opportunistes, les traîtres - et il y en a toujours ! - de livrer à leur tour leur pays au Monstre ? 

Ils vous disent que vous avez fui, abandonné le combat, et que la peur vous a conduit chez eux. Mais eux-mêmes n'ont pas connu l'épreuve de l'envahissement par le Monstre. Ils n'en sont pas à l'heure du combat, avec ses replis, ses avancées, ses deuils et ses victoires. 

Dites-leur l'approche de la Grande Dévastation, dites-leur la menace qui pèse sur eux comme elle a brûlé sur vous, dites-leur de faire face et que nous sommes des frères, mais ne les choquez pas ni ne les scandalisez, et dites-vous que, pour vous, l'heure a sonné de rendre coup pour coup au Monstre, et, mille et mille coups d'épingles, de tenter de dévaster sa Dévastation !"

 

(Sayd Bahodine Majrouh, poète Afghan assassiné en exil en 1988 (la veille de son 60° anniversaire)   Chants de l'errance, traduction Serge Sautereau)
 

Aujourd’hui étant passé, je veux ajouter ces mots - j'avais déjà utilisé certains d'entre eux...

j'ai erré longtemps aux pays de l'indignation,
longtemps je me suis égaré dans les culs-de-sac de la colère,

perdu dans l’impuissance

devant les malheurs de si nombreux chercheurs de vie, ailleurs,

devant les bonheurs de si peu nombreux riches accapareurs des sources de vie, ici,
longtemps je n'ai été que leurs désirs,
puis j'ai oublié,
oublié derrière les voiles de la vie,
moi,
ni Juif,
ni Chrétien,
ni Musulman
pas plus Bouddhiste,
moi qui ne suis d'aucune religion,

d’aucun parti,

d’aucune fortune à défendre,
moi,
qui ne suis ni descendant d’Adam et Eve
ni d’aucune autre légende,

moi, qui ne suis d'aucune ville,

d'aucun pays,
j'ai trouvé la beauté dans les tourbillons des mots,
et j'en ai fait des poèmes,
et je les ai dits si longtemps
au milieu de la poussière que j'étais,

dans cette poussière que je redeviendrais,

que je rejoignais l'éternité,

heureux de n'être pas né,

heureux de ne plus être sous-vivant,

heureux de le savoir.

 

© Mermed

 

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