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Effleurements livresques, épanchements maltés

J'ai écrit et j'écris les textes de ce blog; beaucoup sont régulièrement publiés en revues; j'essaie de citer mes sources, quand je le peux; ce sont des poèmes ou des textes autour des gens que j'aime, la Bible, Shakespeare, le rugby, les single malts, Eschyle ou Sophocle, la peinture, Charlie Parker ou Sibelius, la définition de l'infini de David Hilbert, les marches ici et ailleurs...Et toujours cette phrase de Halldor Laxness: 'leur injustice est terrible, leur justice, pire encore.' oliphernes@gmail.com

Confinement, jour 16

Confinement, jour 16

Souvenir de regards jadis

 

Le petit port amer de l’ île au pélican en compagnie de Georges Seféris, puis partir au bord du Bosphore d’où je vois la frontière de l’Europe, déjà en question du temps de Sophocle.

Je repars encore, tellement je veux voir, voir,

les statues de Mathias Braun dans le parc de Kuks,

La salle des Véronèse de l’Academia avec Monsieur Cogito et Zbigniew Herbert,

les soleils noirs de la mélancolie au dessus de l’Espagne morte des mêmes balles que Pedro Rojas, sous le regard des Christs lamentables de Goya,

tandis que César Vallejo est poursuivi par des Attilas barbares, hérauts de la mort.

J’ai besoin de calme, d’oubli, je pars dans les forêts de Finlande, là où Aarto Paasilinna me distille des mots aussi enivrants que sa gnôle, je rejoins très loin Marcel Thiry, au diable Vauvert, et nous pâlissons au seul nom de Vancouver.

Puis, après avoir parcouru les collines douces de solitude où habite Robert Frost,

Je vais voir le plongeur de William Carlos Williams, trahi par la parole.

Dans des vapeurs de blues ou bien…, je partage celui de Kerouac à Mexico, pendant le voyage je rencontre Fernando Sampietro qui porte Marylin nue sur ses épaules jusqu’à Camala pour l’offrir à Pedro Paramo.

Au bord du golfe, Arthur Cravan, stripteaseur des quatre saisons au Carnegie Hall, comme Li Bai, il veut essayer de capturer le reflet de la lune dans l’eau.

Et je pleure…

Et je me regarde pleurer avec Alfred de Musset devant un canal ou un Lord anglais fait la planche en éclairant les étoiles de son cigare.

Mais se lève une tempête que Giorgione a peint pour Yeats et pour un joueur qui n’ a plus les moyens d’être pauvre au casino des trépassés de Tristan Corbière.

En route pour l’Argentine , je m’arrête à Rio de Janeiro pour un match de la Selecao de 1970 en compagnie de Carlos Drummond de Andrade; puis j’arrive sur la péninsule Valdès où m’attend Eugenio de Andrade pour me montrer cette baleine qui emporte sur son flanc l’âme de Achab.

Je regarde avec Virgile et Dante et les yeux de Gustave Doré le départ de cette âme vers …ailleurs,

vers ce vide infini, que Giambattista Tiepolo et Shih Tao peignent pour moi.

Et je continue de vouloir voir, la première des femmes,

une Venus à Willendorf,

le visage de cette femme perdu pour Jaroslav Seifert dans les gouttes de la pluie sur la fenêtre,

et Bérénice - celle de Poe avec les dents de Rimbaud,

et toutes ces dents qui sont des idées,

et les yeux du Greco qui regardent danser Anna Akhmatova;

tandis que je regarde les belles endormies , je songe à Henri Jean-Marie Levet et à nos nuits avec Cléo de Mérode et Liane de Pougy.

Voir encore,

voir ces livres qui ne sont plus faits pour être lus, n’est-ce pas Signor Leopardi ?

Je vois de la mélancolie, encore, celle de cette œuvre parfaitement inutile que je suis pour Lucien, un homme que même le vin ne saurait rendre beau

dans le miroir de sa mémoire.

Tandis que, sous mes yeux, Caravage et Marlowe se battent avec les hommes de Tamerlan dans une taverne de Urga,

je vois Judas qui sort du pinceau de Leonard pour ouvrir la porte à la shoah, sous le regard de compassion des piétas que Michel-Ange et Titien n’ ont pas achevées,

infinies.

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