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Effleurements livresques, épanchements maltés

J'ai écrit et j'écris les textes de ce blog; beaucoup sont régulièrement publiés en revues; j'essaie de citer mes sources, quand je le peux; ce sont des poèmes ou des textes autour des gens que j'aime, la Bible, Shakespeare, le rugby, les single malts, Eschyle ou Sophocle, la peinture, Charlie Parker ou Sibelius, la définition de l'infini de David Hilbert, les marches ici et ailleurs...Et toujours cette phrase de Halldor Laxness: 'leur injustice est terrible, leur justice, pire encore.' oliphernes@gmail.com

Sona Jobarteh

Sona Jobarteh

Des nuits à l'hôtel indépendance,

des repas de poulet bicyclette dans les maquis de la ville,

une journée presque entière à palabrer avec un homme du désert

pour acheter deux bijoux en or (16 carats),

après tout ça, ne plus prendre l'avion, il y a la Gazelle, un train au nom qui fait rêver;

départ aux alentours de la mi-journée,

pour un voyage d'environ deux jours jusqu'à Abidjan,

le train s'arrête partout;

je suis dans une cabine avec deux dames que je ne connais pas,

mais quelques heures vont faire de nous de vieux amis;

Fatou, la plus âgée, est une commerçante en céréales dans toute cette partie de l'Afrique,

elle retourne chez elle à Bobo Dioulasso,

mais avant elle va s'arrêter vers Grand Balé,

elle y a un entrepôt et une maison,

et surtout elle veut rendre visite à un griot

qui communique dans une caverne avec sept autres cavernes dans le monde.

Sa grotte est à des heures de marche du village,

elle me propose de l'accompagner,

je pourrai dormir chez elle, nous partirons au matin.

Belle marche dans ce Sahel, dans cette absence de tout,

mais partout surgissent des gens qui marchent, qui viennent parler,

partout d'improbables vélos,

partout la même générosité,

les mêmes sourires si doux...

C'était un temps où Mano Dayak n'était pas encore mort,

un temps où mes yeux pouvaient sans aucune peur regarder ce Sahel.

L'après-midi est bien avancé quand nous arrivons,

une petite falaise, des grottes et devant l'une d'entre elles,

des bivouacs, des tentes, des gens,

hommes et femmes tellement nombreux,

de la musique partout, de la danse,
 

là au milieu d'une immensité de non-habitation,

il y a plusieurs centaines de personnes qui attendent pour rencontrer le griot

je suis le seul de mon continent,

je ne sais pas, et je suis comme un frère, je les aime comme des frères;

le griot – je n'ai jamais compris son nom – nous reçoit peu de temps après notre arrivée

(Fatou donnait beaucoup à tout le monde 

et tous lui font place à elle et à l'étranger qui ne l'est plus, celui qui est avec elle)

Le griot, petit homme, aussi âgé que l'on peut l'être,
 

aussi beau qu'il est possible d'être beau, joue de la kora (on est très près du Mali),

il chante, il pose son instrument et parle, à Fatou,

il prend à nouveau sa kora,

et il chante encore, comme une mélopée universelle,

et il me parle à moi aussi, je ne comprends pas - je n'ai pas voulu que Fatou traduise,

je suis resté avec le son de cette voix et de ces accords dans mon oreille, au fond de ma mémoire,

nous sommes restés longtemps avec lui;

je ne sais toujours pas les mots 

mais je sais qu'il parlait juste, 

je sais qu'il parlait vrai,

c'était beau.


© Mermed 
 



 

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