13 Mars 2021
En avant, marche!
En avant, marche!...Amis, c'est notre cri d'attaque,
De départ, de conquête...Il a retenti loin :
Aux plaines blanches du Cosaque,
Aux plaines jaunes du Bédouin!
Les peuples nos voisins l'ont dans l'oreille encore,
Car, sous le drapeau tricolore,
Il les guida contre le czar,
Lorsque leurs légions à nos succès fidèles
De l'aigle immense étaient les ailes,
Le jour d'Austerlitz... et plus tard.
La Grande Armée enfin se remet en campagne !
Accourez, Nations, sous sa triple couleur,
Que la Liberté joue et gagne
La revanche de l'empereur!
En avant, marche!...
Est-il une cause plus belle?
La Pologne encor nous appelle,
Il faut écraser ses tyrans !
Une neige perfide en vain ceint leurs frontières...
Prenons le chemin que nos frères
Ont pavé de leurs ossements!...
En avant, marche ! la Belgique !
Toi, notre sœur de liberté,
Viens pour cette guerre héroïque
La première à notre côté !
Et, si tu sais dans quelle plaine
Un jour dix rois ivres de haine
Ont voulu pousser au tombeau
La France lâchement frappée...,
Aiguise en passant ton épée
Au monument de
Waterloo!
En avant, marche! l'Italie!
Les sépulcres de les héros,
Alors que la liberté crie,
Ont de magnifiques échos :
Longtemps tu leur fermas l'oreille;
Mais, puis qu'enfin tu te réveilles,
Viens, ton opprobre est effacé!...
Ce jour aux vieux jours se rattache,
Et les vivants ne font plus tache
Au sol glorieux du passé!
En avant, marche! l'Allemagne!
Hourra ! les braves écoliers !
Par la cendre de
Charlemagne!
Voulez-vous être les derniers?
Les âmes sont-elles glacées
Au pays des nobles pensées
Et de la foi des anciens temps?...
Non! noire feu s'y communique,
Et le vieux chêne teuton ique
Reverdit avant le printemps!
Sommes-nous là tous?.'..
Déjà brille Pour nous accompagner toujours
Le beau soleil de la Bastille
Et d'Austerlitz et des trois jours?
Marchons ! la voici reformée
Après quinze ans, la Grande Armée!...
Mais à des succès différents
Quoique la liberté nous mène,...
Pour l'ombre du grand capitaine,
Laissons un vide dans les rangs!
Ah! ah! la route est belle, et chère à notre gloire...
Toutes les plaines, là, sont des pages d'histoire;
Mais combien de Français y sont ensevelis!...
Oh! pourtant nous aurons l'âme joyeuse et fiêre.
Quand nos pieds triomphants fouleront la poussière
D'Iéna, de Friedland, d'EssIing ou d'Austerlitz!
Puis, avant d'arriver jusqu'à l'empire russe,
Nous pousserons du pied et l'Autriche et la Prusse,
Tuant leurs aigles noirs qui semblent des corbeaux;
Et nous rirons à voir ces vieilles monarchies
Honteuses, choir parmi leurs estrades pourries,
Leurs tréteaux vermoulus et leur pourpre en lambeaux!
Et, l'apercevez-vous, mes amis, qui sans cesse
Sur la pointe des pieds, haletante, se dresse...
La Pologne... pour voir si nous n'arrivons pas?...
Enfin notre arc-en-ciel à l'horizon se montre : ...
Ah! le voyage est long, frères, quand on rencontre
Un trône à renverser sous chacun de ses pas !
Nous voici!...
Dans nos rangs vous savez votre place,
Braves de Pologne, accourez!
Maintenant, attaquons dans ses remparts de glace
Le géant et marchons serrés!
Car il faut en finir avec le despotisme :
Ceci, c'est une guerre! et non
De ces guerres d'enfant où brillait l'héroïsme
De Louis Antoine de Bourbon ...
Mais une guerre à mort! et des bal ailles larges
Avec des canons par milliers!
Où viendront se heurter en effroyables charges
Des millions de cavaliers!
Guerre du chaud au froid, du jour à l'ombre... Guerre
Où le ciel dira ses secret
Et telle qu'à coup sûr les peuples de la terre
N'en oseront plus faire après!
Là, quinze ans de vengeance entassée et funeste
Éclateront comme un obus,
Et coucheront à bas plus d'hommes que la peste
Ou que le choléra-morbus
Là, le sang lavera des affronts sanguinaires,
Et sur nos bataillons épars,
Nous croirons voir toujours les ombres de nos frères
Flotter comme des étendards!
II
Que dis-je? hélas! hélas!
Tout cela, c'est un rêve,
Un rêve à jamais effacé!...
L'autocrate est vainqueur... le niveau de son glaive
Sur notre Pologne a passé!
C'est en vain, qu'à la voir tomber faible et trahie,
La honte nous montait au cœur:
En vain que nous tendions de toute sa longueur
La chaîne infâme qui nous lie!...
Mais c'est fini!...
L'éclat dont notre ciel brillait
S'évanouit... le temps se couvre,
La gloire de la
France est enterrée au
Louvre
Avec les martyrs de Juillet ...
Une vieille hideuse à nos yeux l'a tuée,
Vieille à l'œil faux, aux pas tortus,
La Politique enfin, cette prostituée
De tous les trônes absolus!
Oh! que de partisans s'empressent autour d'elle!
Jeunes et vieux, petits et grands,
Inamovible cour à tous les rois fidèle,
Fouillis de dix gouvernements;
Avocats, professeurs à la parole douce,
Mannequins usés aux genoux,
Tout cela vole, et rampe, et fourmille, et se pousse
Tout cela pue autour de nous!...
C'est pourquoi nous pleurons nos rêves politiques,
Notre avenir découronné,
Nos cris de liberté, nos chants patriotiques!...
Leur contact a tout profané!
Notre coq, dont ils ont coupé les grandes ailes,
Dépérit, vulgaire et honteux;
Et nos couleurs déjà nous paraissent moins belles
Depuis qu'elles traînent sur euxl
Oh! vers de grands combats, de nobles entreprises,
Quand pourront les vents l'emporter,
Ce drapeau conquérant, qui s'ennuie à flotter
Sur des palais et des églises !
Liberté, l'air des camps aurait bientôt reteint
Ta robe, qui fut rouge et bleue...
Liberté de juillet! femme au buste divin,
Et dont le corps finit en queue !