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Effleurements livresques, épanchements maltés

J'ai écrit et j'écris les textes de ce blog; beaucoup sont régulièrement publiés en revues; j'essaie de citer mes sources, quand je le peux; ce sont des poèmes ou des textes autour des gens que j'aime, la Bible, Shakespeare, le rugby, les single malts, Eschyle ou Sophocle, la peinture, Charlie Parker ou Sibelius, la définition de l'infini de David Hilbert, les marches ici et ailleurs...Et toujours cette phrase de Halldor Laxness: 'leur injustice est terrible, leur justice, pire encore.' oliphernes@gmail.com

Notre Dame des Fleurs

Notre Dame des Fleurs

Des fleurs ornent la fragilité du forçat et je me suis enguirlandé, poursuivant avec amour un voyage à travers la sueur, le sperme et le sang qui a conduit à la prison. Sans ce qu'on appelle mon mal, je suis castré. Un rien petit-bourgeois. Il y avait une vigueur morale dans l'acceptation de mon destin. J'étais chaud pour le crime.
Je donne le nom de violence à une noble audace qui aspire au danger, et je l'ai vu chez de nombreux proxénètes et voleurs avec lesquels j'ai travaillé, des hommes dont l'autorité et la trahison béatifique m'ont plié à leur volonté. René, Stilitano, Guy... Je pourrais les décrire, mais je ne le ferai pas. Je suis trop un hors-la-loi littéraire pour ça. Au lieu de cela, laissez-moi vous ramener aux Barrios en 1932, où je me branlais dans un mouchoir tacheté de sperme, en pensant à ma mère.
Oui. Je suis mon propre Dieu, je façonne ma vanité, me délectant de la transgression par procuration qui a des artistes à la mode comme ces imbéciles de Cocteau et de Picasso, qui n'ont jamais osé avoir une fellation avec un vagabond gériatrique lépreux.
Est-ce vrai? On s'en fout? C'est si je dis que c'est, car je définis mon moi existentiel. Je suis ce que je dis je suis, j'ai battu des pédés et volé des églises; le cambriolage est devenu un rite religieux, m'élevant au rang de poète des enfers alors même que je me dégradais volontiers en pissoirs

René s'est branlé dans un café plein de putes pour se calmer, avant de poignarder le Gitan en plein cœur pour quelques sous. Dans ce moment d'amour et de mort, j'ai aperçu Stilitano qui regardait et j'ai su que je devais boire la belle odeur de son corps jamais lavé. Il était la Pierre Noire Sacrée à laquelle Héliogabale offrait ses richesses et je me prosternais devant sa trahison et son indifférence.
Je suis né à Paris en 1910. Ma mère était putain et j'ai mes racines dans les os desséchés des enfants massacrés par Gilles de Rais. Il n'y a pas eu de moment précis où je suis devenu un voleur, juste une métempsycose d'Uranus qui m'a vu passer de la Maison de correction à la Légion étrangère et de là à la pisse et à la merde des égouts.
Stilitano et moi avons voyagé à travers la Tchécoslovaquie, la Pologne, l'Italie et l'Allemagne, devenant des espions et trouvant une pureté d'idéalisme maléfique chez les SS. J'avais envie de jouer avec les raisins de cellulose qui pendaient à son membre pendant qu'il me repoussait comme la garce que j'étais. Je voulais qu'il me batte. Je suis devenu son noble valet, réduit à des humiliations encore plus grandes, et même maintenant je suis réduit à l'automatisme verbal sous l'emprise de sa divinité.
Sentez-vous la dégradation ? Laisse tes mains se promener dans ton pantalon de bourgeois tendu et sens l'excitation de ma misère. Mais ne vous arrêtez pas là ! Je peux te donner tellement plus si seulement tu m'ouvrais tes braguettes. Perdez vos valeurs de banlieue et embrassez l'enfer négatif du poète du malheur.
Je m'habillai en femme et allai à Tanger avec Maurice et Robert, me permettant parfois de commettre un acte dont la gravité me donnait conscience. Oui, j'étais ennuyé. Ce n'est pas une vantardise de dire que j'étais un voleur intelligent, mais je suis quand même allé en prison où j'ai trouvé la sécurité dans un monde qui m'avait rejeté, offrant mes fesses mobiles à quiconque s'y intéressait. Michaelis voulait que je l'aime, mais je l'ai raillé avec abstinence quand j'ai rencontré Java, un Stilitano musclé. Java aimait toujours aller avec des putains, mais parfois il me laissait m'enfiler en lui quand il dormait, criant de colère quand je le faisais jouir. J'ai alors rencontré * - je ne peux citer son nom car il est toujours en vie, mais peut-être seulement au sens sartrien dans lequel je suis - et nous nous sommes fait plaisir comme un garde SS nous a raconté la joie qu'il éprouvait quand il voyait des larmes dans les yeux des victimes qu'il s'apprêtait à tuer.

Mon travail d'écrivain n'est que pléonasme. Il passe le temps tandis que je poursuis la réhabilitation des purulents, des frissons sombres de l'interdit. J'ai quitté l'Allemagne nazie parce qu'elle ne m'intéressait plus ; là, le vol ne me différenciait pas de l'autorité. Où était la libération là-dedans ? Mon esthétique du crime était une auto-création et je suis retourné me coucher avec Stilitano.

C'est la vie que j'ai vécue et ce sont les gens dont je me suis occupé entre 1931 et 1942. Bof ! Mais je peux sentir ton érection s'estomper. Alors laissez-moi vous en dire plus sur le plaisir de la trahison, comment j'ai mordu Lucien jusqu'au sang en s'ouvrant comme une anémone, comment j'ai sucé Bernardini, le chef de la police secrète de Marseille. Étais-je coupable ? Qui sait? Je viens de devenir celui dont j'étais accusé

Voilà. Vous êtes encore dur. Que puis-je dire de plus? Ce livre est mon ascèse. Je voulais voler les infirmes et les pédés, je voulais récupérer la joie de la tragédie. Mais je voulais surtout me glorifier. Être un voleur est banal mais écrire à ce sujet est magnifique et avec cet acte exhibitionniste de subversion fastidieuse, je me suis recréé une fois de plus en crédule, les radicaux européens me réapproprient pour eux-mêmes.

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